Le temps de la médeine
« On est tous le conducteur âgé de quelqu'un. » Cet aphorisme lancé par le Dr Charles Mercier-Guyon, secrétaire du Conseil médical de la prévention routière, permet à chacun de rappeler son âge. « Les sujets âgés ne doivent pas être considérés comme des sujets à risque du seul fait de leur état civil, mais comme une tranche de population présentant une plus forte densité de pathologies susceptibles d'interférer avec leur capacité de conduite. »
La vue semble apparemment la première touchée. Elle apporte 90 % des informations nécessaires au volant. Dès 45 ans apparaît la presbytie, les facultés d'accommodation à la distance ralentissent, avec une baisse d'acuité visuelle la nuit. A 60 ans, pour voir correctement, il faut quatre fois plus de lumière qu'à vingt ans. Le champ visuel n'est pas épargné par ces détériorations. Il s'amenuise, notamment par un ralentissement des mouvements oculaires. Le sujet devient plus sensible à l'éblouissement.
La presbyacousie joue aussi son rôle, à un moindre degré certes. L'ouïe constitue un système d'alerte. Elle peut indiquer d'où vient un coup de Klaxon, un clignotant oublié ou déceler ce « petit bruit » annonciateur d'une panne. A 65 ans, on considère que la déficience auditive concerne 30 % de la population.
Le Dr Mercier-Guyon rappelle que le conducteur senior diminue avec le temps ses prises de risque. Peut-être faut-il y voir la responsabilité d'un ralentissement des performances psychiques, sensorielles et motrices.
Les informations sont appréhendées plus lentement et les temps de réaction sont prolongés. Les prises de décision et les choix sont plus difficiles. Comme s'il fallait obscurcir le tableau, il convient d'ajouter que certaines affections rhumatologiques, telle une arthrose sévère, peuvent intervenir sur la motricité et donc altérer l'action sur les commandes du véhicule. Enfin, les effets secondaires de certaines thérapeutiques peuvent concerner la vigilance ou la vision. Depuis mai 2001, leur conditionnement doit d'ailleurs l'indiquer grâce à un pictogramme (une voiture dans une triangle).
Spontanément, explique Charles Mercier-Guyon, le senior adopte des attitudes d'évitement. Il ne sort plus aux heures de forte circulation, modifie ses itinéraires. Malheureusement, si le hasard le propulse en ces lieux ou à ces moments difficiles, il peut perdre ses repères. Une fois la retraite installée, la médecine du travail n'est plus là pour dépister des troubles visuels chez certains sujets négligents. En l'absence de nécessité professionnelle, ces derniers peuvent se contenter d'une vision un peu basse. Les études montrent d'ailleurs moins de troubles visuels chez les retraités participant à une vie associative.
Une « zone à risque » après 75 ans
Quoi qu'il en soit, les seniors « ne représentent pas un surrisque d'accident important, malgré la fréquente diminution de leur capacité de conduite et malgré un comportement parfois inadapté ». Moindre prise de risque et restriction à des parcours familiers en sont l'explication. Néanmoins, une « zone à risque » s'amorce après 75 ans, avec des risques rejoignant ceux des jeunes.
Le Dr Mercier-Guyon est donc partisan d'un examen médical périodique, dont la fréquence augmenterait avec l'âge. Il pourrait être réalisé par le généraliste. Il ajouterait aux gestes classiques de consultation (TA, pouls, auscultation cardiaque...) : mesure de l'acuité visuelle, champ visuel au doigt, perception de la voix chuchotée à 3 m et équilibre debout les yeux fermés. Trois questionnaires compléteraient l'examen : échelles de dépistage des troubles de mémoire et de la somnolence diurne, mini-mental test (dépistage d'un Alzheimer débutant).
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