LA REPRISE DU VOLANT, que ce soit après un traumatisme crânien ou toute autre affection sévère, est un facteur tellement prépondérant dans le processus de réinsertion personnelle et professionnelle que les médecins sont écartelés : doivent-ils privilégier la dynamique de retour à la vie normale en laissant le patient recommencer à conduire ? Ou faut-il plutôt, de peur de l'exposer à un second traumatisme, communiquer sa situation aux instances administratives, en l'occurrence la commission médicale du permis de conduire ? C'est la seconde option qui paraît «la moins mauvaise des solutions» au Dr François Danzé (centre hélio-marin de Berck-sur-Mer). En tirant les enseignements de la dernière journée de formation organisée sur la question par le RTC 59-62*, le neurologue ajoutait que «la situation gagnerait probablement à être clarifiée au sens juridique».
Comme tout un chacun, le traumatisé crânien (TC) relève de l'arrêté du 21 décembre 2005, qui stipule qu' «un conducteur atteint d'une affection pouvant constituer un danger pour lui-même ou les autres usagers de la route pourra être amené à interrompre temporairement la conduite jusqu'à l'amélioration de son état de santé».
Que l'intéressé le décide de son propre chef ou que son médecin ait effectué un signalement, le permis de conduire devra faire l'objet d'une revalidation. Le patient est convoqué pour une visite devant la commission médicale, il est examiné par deux généralistes agréés par le préfet, auxquels il présente tous les comptes-rendus en sa possession (courriers médicaux, bilan neuropsychologique, essai de conduite automobile avec un moniteur d'auto-école) ; ces médecins peuvent se faire assister d'un spécialiste (le plus souvent un neurologue ou un ophtalmologue), également agréé par l'administration préfectorale. A l'issue de la consultation, un avis d'aptitude, définitive ou temporaire (de six mois à cinq ans), ou un avis d'inaptitude est délivré. Des demandes d'aménagement du véhicule peuvent être aussi formulées (boîte automatique, boule au volant…), notifiées sur le permis de conduire et assorties de vérification devant un inspecteur.
«Evidemment, souligne le Dr Danzé, le problème majeur dans l'évaluation de la conduite automobile chez les TC reste l'anosognosie. La situation est totalement différente d'avec les blessés médullaires. L'anosognosie est le facteur le plus important, qui pénalise un peu tous nos systèmes d'évaluation. La plupart des blessés crâniens éprouvent une telle limitation dans la perception de leurs difficultés. Cela dit, les TC n'ont pas le privilège de l'anosognosie, qui frappe bien des conducteurs dans des états ébrieux pourtant manifestes, ou sous l'effet de substances qui altèrent la vigilance et les capacités cognitives.»
En définitive, pour les TC comme pour les autres, c'est le rappel au comportement civique de la personne qui doit primer sur le choix purement individualiste. Les spécialistes réunis par le RTC 59-62 espèrent aussi que des procédures d'évaluation et de réentraînement permettront à plus de blessés crâniens de reprendre le volant dans de meilleures conditions.
* Actes disponibles au Creai, 59, bd Montebello, 59041 Lille Cedex.
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