« 2,5 à 3 % des titulaires des permis de conduire A et B ont 75 ans et plus », a souligné le Pr Régis Gonthier (Saint-Etienne). 65 % des retraités possèdent une voiture, et pour 75 % d'entre eux, conduire est une activité importante qui contribue au plaisir de vivre. Actuellement, il est difficile pour les médecins généralistes de conseiller une personne âgée sur son aptitude à conduire : certains considèrent qu'il s'agit d'un facteur essentiel pour maintenir un lien social et contribuer ainsi au vieillissement réussi ; d'autres préconisent à leurs patients d'arrêter la conduite du fait d'une morbidité augmentée. En effet, conduire est une activité instrumentale complexe qui nécessite un apprentissage, des capacités de perception et d'attention visuelle et auditive, une coordination fine des mouvements et un comportement adapté aux modifications imprévues de l'environnement.
La perte des automatismes
Avec l'âge, toutes ces capacités se modifient, mais de façon variable d'un individu à l'autre. C'est surtout le manque d'entraînement qui provoque la perte des automatismes et un désapprentissage. En général, l'abandon de la conduite est décidée : par le conducteur lui-même, sous la pression de la famille, voire celle des assurances (critère d'âge pris isolément, accrochages à répétition). Lorsque le patient présente une pathologie avec des symptômes francs (séquelles d'AVC, crises comitiales, etc.), le risque pour la conduite est bien perçu par le médecin. En revanche, lorsque l'apparition des symptômes est progressive et que les déficiences sont partiellement compensées par des stratégies d'adaptation (démence, déficience visuelle), le risque peut être méconnu.
Certains patients se plaignent, avec l'âge, d'une insécurité au volant. « Il peut s'agir de véritables dysfonctionnements vestibulaires otholitiques », a expliqué le Dr Michel Toupet (Paris). En cas de déficit otholithique, quelle qu'en soit son étiologie, l'individu ne peut pas estimer correctement sa trajectoire : dans les virages, il a l'impression de prendre la tangente ; du coup, il se penche pour corriger cette situation et se retrouve agrippé au fauteuil du passager ! Enfin, en cas d'embouteillage, les freins peuvent lui sembler défaillants ; et le voilà en train de bloquer ses roues. Des examens complémentaires spécifiques, tests sacculo-coliques et potentiels évoqués otolithiques corticaux, montrent alors une asymétrie de fonctionnement bien compensée, qui ne se révèle que lors des accélérations au volant. La rééducation vestibulaire va permettre au patient de s'adapter. Il apprend ainsi à maintenir son équilibre lors de déstabilisations visuelles (projection de lumières tournantes) et proprioceptives (marche sur des plates-formes instables). Après deux mois d'un tel entraînement, à raison d'une séance par semaine complétée par des exercices à domicile, le patient peut reconduire sans que cela déclenche une angoisse disproportionnée.
Les altérations des performances visuelles
Enfin, avec l'âge, peuvent apparaître des dégradations des performances visuelles : diminution de l'acuité visuelle (7/10 à 70 ans, 5/10 à 85 ans), rétrécissement concentrique du champ visuel et diminution globale de la sensibilité différentielle ; réduction de la sensibilité au contraste qui touche d'abord les hautes, puis les moyennes et enfin les basses fréquences spatiales. En outre, la sensibilité et la résistance à l'éblouissement sont moins bonnes pour les hauts niveaux de luminance ; de même, pour les basses luminances en vision crépusculaire ou nocturne. Des pathologies oculaires peuvent apparaître : dégénérescence maculaire liée à l'âge avec une prévalence de 8 %, glaucome dont la prévalence passe de 0,5 % entre 5 et 55 ans à 2 % entre 70 et 75 ans ; cataracte, dont la prévalence augmente régulièrement, passant de 18-28 % entre 65 et 75 ans à 46-59 % entre 75 et 85 ans. Ainsi, il apparaît un lien entre une dégénérescence visuelle sévère et un taux plus élevé d'accidents de voiture. Le Pr Christian Corbé (Paris) a rapporté les résultats d'une étude sur 294 conducteurs âgés de 55 à 90 ans suivis pendant huit ans. Les facteurs de risque majeurs d'accidents automobiles sont : un trouble de la vision, un déficit cognitif et une réduction fonctionnelle du champ visuel. Cependant, l'expérience du conducteur, les atteintes isolées de la vision centrale et les amblyopies par nystagmus peuvent compenser ces déficits.
Colloque médecins généralistes-patients « Permis de vieillir bien », présidé par le Pr Régis Gonthier (Saint-Etienne) et parrainé par les Laboratoires Beaufour Ipsen Pharma
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