Il aura mis au monde 10 000 enfants dans sa carrière, et c’est son unique passage devant les tribunaux. La condamnation est lourde, son assurance ne le couvrira peut-être pas intégralement. À 72 ans, le Dr S., fraîchement retraité, appréhende l’avenir.
Les faits remontent à 2002. À la clinique où le médecin exerce, un accouchement se déroule mal, une fille naît gravement handicapée. La mère se retourne contre l’obstétricien. Le TGI d’Aix-en-Provence juge le Dr S. seul responsable. Son assureur, la MACSF, verse de premières sommes, importantes. L’enfant, aujourd’hui âgée de 12 ans, a besoin d’une surveillance constante. Une prochaine expertise va évaluer son état et l’évolution de la rente.
La MACSF a d’ores et déjà prévenu le médecin : il n’est pas impossible que le total des indemnités (déjà versées et à venir) dépasse le plafond de garantie du contrat. Soit six millions d’euros. Au-delà, l’obstétricien retraité devra compléter sur ses fonds propres.
Le Dr S. confie son « désespoir » au « Quotidien ». « Mon patrimoine se résume à un appartement et un studio. Où trouver l’argent, si on me réclame des centaines de milliers d’euros ? J’ai une femme, des enfants. Je ne voudrais pas leur léguer ce problème », dit-il.
Le SYNGOF réclame la fin des trous de garantie
Aux yeux du SYNGOF (Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France), ce cas illustre la persistance de trous de garantie dans l’assurance des médecins. Un fonds géré par la caisse centrale de réassurance a pourtant été mis sur pied en 2012, sur décision de Xavier Bertrand, afin de combler ces trous de garantie.
« Mais le problème n’a pas été réglé pour les sinistres déclarés entre 2002 et 2012, seuls les sinistres déclarés à partir de 2012 étant couverts », note le Dr Jean Marty, président du SYNGOF. Un autre obstétricien, une femme, serait concernée par le même problème. Son contrat d’assurance la couvre à hauteur de 3 millions d’euros. Elle aussi devra compléter si le sinistre dépasse ce montant. Le SYNGOF demande aux pouvoirs publics d’intervenir afin de supprimer définitivement les trous de garantie.
L’avocat du Dr S. reconnaît l’inconfort de la situation. « Mon client qui n’a pas un gros patrimoine vit une forte incertitude. Il faut attendre les conclusions de l’expertise pour envisager la suite. » Me Philippe Carlini songe à plusieurs pistes afin d’assurer la défense de l’obstétricien – notamment, la proposition d’une somme forfaitaire à la victime, sous le seuil du plafond de garantie. À ce stade, rien n’est joué.
Note de la rédaction : « Le Quotidien » transmettra au Dr S. les messages de solidarité adressés par ses confrères dans les commentaires ci-dessous.
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