LE RISQUE d’obésité au cours de la schizophrénie et des troubles bipolaires est un phénomène connu. Il induit une augmentation de la morbidité et de la mortalité. Ainsi, par rapport à la population générale, les schizophrènes ont, par exemple, un risque de diabète multiplié par 2 à 4. Les taux de mortalité standardisés sont 4 à 6 fois plus élevés chez les sujets ayant des troubles psychotiques, chez les affectifs majeurs et les anxieux sévères que dans la population générale. Or, une étude danoise portant sur plus de 54 000 sujets suivis pendant 20 ans a montré que cet excès de risque est attribuable dans 84 % des cas à des facteurs facilement mesurables et potentiellement modifiables (1).
Ainsi, par exemple, 70 % des schizophrènes sont fumeurs, alors que le tabagisme a une prévalence de 25 % dans la population générale. Un niveau de sédentarité élevé, un accroissement de l’appétit et de mauvaises habitudes alimentaires sont également fréquents. La prévalence du diabète de type 2 est ainsi deux fois plus élevée que dans la population générale. De plus, les dyslipidémies, également fréquentes, sont aggravées par certains antipsychotiques. L’accumulation de ces facteurs de risque se traduit par une mortalité cardio-vasculaire deux fois plus élevée que dans la population générale. Cet état de fait concerne en premier lieu les patients recevant des antipsychotiques atypiques, des thymorégulateurs, surtout en combinaison, certains antidépresseurs, enfin ceux chez lesquels sont prescrites de nouvelles associations thérapeutiques.
L’indice de masse corporelle (IMC = poids / taille au carré) permet d’apprécier l’importance de la masse grasse. Normal entre 19 et 24, il traduit un surpoids entre 25 et 29 et une obésité à partir de 30. Les conséquences délétères de l’obésité sont multiples et se matérialisent notamment par des maladies cardio-vasculaires. L’accumulation des facteurs de risque, par exemple un diabète, une HTA et une dyslipidémie, est tout particulièrement délétère.
L’évaluation médicale du patient est donc essentielle lorsqu’une prise de poids est constatée. En particulier, il est important de différencier la prise de poids secondaire au traitement de celle qui marque une phase de la maladie.
Par ailleurs, les antipsychotiques atypiques ont des effets propres sur le métabolisme lipidique. La prévalence des dyslipidémies est mal définie, mais la distribution des graisses corporelles est un élément essentiel à surveiller. En effet, l’obésité abdominale, ou androïde, s’accompagne de complications métaboliques. La mesure du périmètre abdominal, dont l’augmentation traduit une adiposité viscérale, est ainsi un élément essentiel du bilan métabolique.
Un bilan et un suivi souple et adapté s’imposent.
L’évaluation des facteurs de risque chez le patient obèse implique ainsi de connaître son indice de masse corporelle, qui traduit son poids relatif, et de mesurer son périmètre abdominal, reflet de l’adiposité viscérale. L’évaluation doit aussi porter sur les autres facteurs de risque comme l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le tabagisme et le diabète. La recherche d’antécédents familiaux d’hypertension, de maladie coronarienne ou de diabète s’impose également.
Un syndrome métabolique peut alors être mis en évidence. Sa définition est variable. La plus récente est celle du programme national d’éducation sur le cho- lestérol des Etats-Unis (Ncep). Cet état pathologique y est caractérisé par l’association d’au moins trois des critères suivants : obésité abdominale, triglycéridémie ≥ 1,5 g/l ; taux de cholestérol HDL < 0,40 g/l chez l’homme ou 0,50 g/l chez la femme ; glycémie à jeun ≥ 1,10 g/l ; pression artérielle ≥ 130/85 mmHg. L’obésité abdominale, ou androïde ou encore « centrale », est définie par le Ncep par une circonférence abdominale supérieure à 102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme. En Europe, l’International Diabetes Federation propose 94 cm chez l’homme et 80 cm chez la femme.
Au cours du suivi, une attention toute particulière devra être portée aux patients dont la prise de poids dépasse 4,5 kg, dont le périmètre abdominal augmente de plus de 5 cm ou est > 90 cm, en cas d’élévation des triglycérides de plus de 2 mmol/l ou si la glycémie est > 6,1 mmol/l.
En cas d’anomalie métabolique, le traitement doit être instauré aussi rapidement que possible. La démarche globale consiste à agir sur tous les facteurs de risque modifiables : limiter l’apport de graisses saturées et de cholestérol, augmenter l’apport des graisses insaturées et des fibres alimentaires, atteindre et maintenir un poids normal et encourager la pratique régulière d’activité physique. Ce programme au long cours devrait être proposé à tous les patients. Il devrait être souple et adapté, en accordant la priorité aux patients selon leur niveau de risque. La coopération d’un somaticien permettra une prise de décision clinique adaptée et la mise en oeuvre éventuelle de mesures pharmacologiques éventuelles pour le traitement de l’obésité et des autres facteurs de risque (2).
D’après un entretien avec le Dr Djea Saravane, service des spécialités, hôpital de Ville-Evrard.
(1) Hoyer EH, et coll. « Br J Psychiatry », 2000 ; 176 : 76-82.
(2) Saravane D, Vernotte C. « Soins Psychiatr » 2005 ; 238 : 8.
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