EN 2004, un homme de 64 ans s’est présenté aux urgences du centre hospitalier de Regensburg, en Allemagne, en raison de douleurs abdominales accompagnées d’arthralgies généralisées et de l’apparition de lésions blanches de petite taille au niveau de la face palmaire des deux mains.
L’exploration par laparotomie rapidement effectuée a permis de détecter une péritonite bactérienne en rapport avec une perforation du côlon sigmoïde idiopathique.
Devant ce tableau, le chirurgien a procédé à une hémi-colectomie avec iléostomie. Sur la pièce d’anatomopathologie, les histologistes ont noté l’existence de plaques de couleur blanchâtre d’origine inconnue. La ponction du liquide articulaire de l’épaule droite a permis de détecter des cristaux biréfringents au microscope polarisé et une masse blanche faisant penser à un tophus. Des cristaux d’urate ont, en outre, été détectés au niveau des liquides de drainage péritonéaux et dans les urines.
tophus intra-abdominal.
L’équipe du Dr Peter Harle a conclu à une perforation intestinale en rapport avec une inflammation intestinale liée à un tophus intra-abdominal. Cette hypothèse a été confortée par l’examen anatomopathologique. Néanmoins, en dépit d’une antibiothérapie et d’un traitement par colchicine, la température s’est maintenue entre 38 et 39,5 °C, une hyperleucocytose a persisté (16 000 GB), ainsi qu’une élévation de la CRP. Dans les jours qui ont suivi l’adjonction d’un traitement par métamizole, le patient a développé une neutropénie sévère, ce qui a conduit à suspendre tout traitement pendant deux jours.
Au 32e jour d’hospitalisation, la clairance de la créatinine s’établissait à 38 ml/min. Un traitement par allopurinol a été mis en place, mais il a dû être remplacé par du benzbromarone et du probénécide en raison de l’apparition d’un rash cutané. Mais ce deuxième traitement n’a pas été mieux toléré du point de vue cutané que le premier ; et de la rasburicase, une uricase recombinante, a été prescrite au 55e jour d’hospitalisation. Grâce à ce médicament, le taux d’acide urique a chuté en moins de quatre jours.
Mais une réascension des concentrations sériques d’acide urique a été constatée au 74e jour d’hospitalisation. Comme les cultures bactériologiques des différents prélèvements se sont révélées négatives et que le taux de protéines de l’inflammation était très élevé, on a mis le tableau clinique sur le compte d’un syndrome causé par une déposition généralisée de cristaux d’acide urique.
Et on a choisi de traiter le patient par prednisolone (40 mg par jour en dose de charge, puis baisse progressive, jusqu’à 10 mg par jour).
Des cristaux biréfringents.
Au 70e jour d’hospitalisation, le patient s’est plaint de douleurs lombaires très intenses et l’examen IRM pratiqué en urgence a conclu à une fracture vertébrale pouvant être en rapport avec une spondylodiscite ou l’existence d’un tophus vertébral. En outre, cet examen a permis de détecter des lésions abcédées des psoas, ainsi qu’un abcès de la région L3-L4. La ponction de ces lésions n’était pas en faveur d’une lésion bactérienne. Dans les semaines qui ont suivi, le patient a présenté des fistules cutanéo-intestinales et la biopsie de ces lésions a retrouvé encore une fois la présence de cristaux biréfringents. Quatre mois après son admission à l’hôpital, le patient est décédé des suites d’une péritonite bactérienne ayant entraîné une défaillance multiviscérale.
« The Lancet » vol. 367, p. 2032, 17 juin 2006.
Les tophus
Chez les patients souffrant de goutte chronique non traitée, des tophus peuvent se former dans différents tissus périphériques et profonds (tissus conjonctif, coeur, système nerveux). Le diagnostic différentiel avec des lésions malignes ou des abcès ne peut le plus souvent se faire qu’histologiquement. Outre les traitements habituels, l’urate oxydase recombinant ou les inhibiteurs non puriniques de la xanthine oxydase peuvent être prescrits.
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