Chronique électorale
Si le choix électoral se fondait sur le caractère des hommes ou des femmes en lice, les options ne seraient pas nombreuses, en dépit de la multiplicité des candidats. On ne doit donc forger sa décision que sur le contenu des programmes.
Un biais médiatique fait que l'électorat connaît mieux ceux de Jacques Chirac et de Lionel Jospin. Mais, progressivement, tous les candidats exposent des plates-formes détaillées, qui, sur la fiscalité, l'emploi, la sécurité et les retraites, proposent des solutions ou des approches cohérentes. De ce point de vue, il n'y pas de déficit démocratique : l'électeur n'a aucune difficulté à se tenir au courant et il peut définir sa conduite en fonction de ce que lui disent les candidats et dans la mesure, bien sûr, où il les croit.
Contradiction
Cependant, son jugement sera altéré par ce qu'il sait des mêmes candidats. Nous avons déjà signalé la contradiction entre l'âpreté des discours et l'ennui de l'électorat. Pour une part, la désaffection de l'opinion vient de la nature même de la démocratie où, d'année en année, s'affaiblit l'enthousiasme électoral ; pour une autre part, elle vient de ce que les carrières politiques en France sont très longues : la gauche rappelle ironiquement que M. Chirac se présente à la présidence pour la quatrième fois. Mais l'un de ses prédécesseurs, François Mitterrand, bat tous les records dans la recherche et l'obtention des postes électifs. M. Jospin lui-même n'est ni un novice ni un béotien en politique.
Et pour une dernière part enfin, le scepticisme de l'électorat vient de ce que les challengers des « grands » candidats ont, pour la plupart, fait carrière dans la politique, même si ce ne fut que dans l'opposition, ou même s'ils n'ont jamais obtenu de mandat.
Il y en a d'autres, comme Olivier Besancenot ou Christiane Taubira, qui sont pratiquement vierges de toute implication dans les appareils des partis. Mais leurs chances sont à peu près nulles, soit qu'ils représentent un courant ultraminoritaire, soit qu'ils ont de la peine à sortir de l'anonymat.
Les sondages indiquent que les Français sont bien décidés à jouer le jeu du premier tour : il offre à chacun d'eux la possibilité de manifester sa réprobation aux vastes courants de la droite ou de la gauche, de donner un coup de semonce à ceux qui occupent le devant de la scène grâce à leurs fonctions actuelles.
Le premier tour est celui de l'humeur : protestation, mécontentement catégoriel, tentation d'une idéologie minoritaire, désir de secouer la classe politique (qui a beaucoup à se faire pardonner), sanction des scandales, aspiration au changement, n'importe qui pourvu que ce ne soient pas les mêmes qui reviennent. Le second tour est celui de la sagesse. Seulement, attention : si vous êtes de droite et que, par exemple, vous votez au premier tour pour Chevènement ou pour Bayrou, vous contribuez à l'affaiblissement de Chirac. Si vous êtes pour la gauche modérée et que votez pour Arlette Laguiller, vous ne rendez pas service à Jospin. De sorte que le vote d'humeur peut aboutir à la victoire de celui dont vous ne voulez sous aucun prétexte. Ce qui veut dire qu'on ne vote pas au premier tour sans penser au second.
Le rôle du troisième homme
Il est vrai que cette année, on a beaucoup parlé d'un « troisième homme » et que Jean-Pierre Chevènement a eu, jusqu'à présent, la crédibilité d'un candidat susceptible de franchir la barre du premier tour. Mais le système est conçu de telle manière que les challengers n'ont pratiquement aucune chance. S'il n'y avait qu'un tour, le « troisième homme » pourrait créer la surprise. Mais même aux Etats-Unis, où il n'y a qu'un tour et où le président peut être élu à la majorité relative, jamais un troisième homme ne l'a emporté. En 1992, Ross Perot, avec 19 % des voix, s'est contenté de détruire George Bush (le père). En 2000, Ralph Nader, avec 3 % des voix, n'a réussi qu'à démolir Al Gore et à faire élire George W. Bush, avec lequel il a beaucoup moins d'affinités politiques qu'avec Gore.
On doit donc se rendre aux urnes avec une idée précise du candidat dont on ne veut sûrement pas et qu'on risque de faire élire par ricochet du premier tour. Ce n'est pas un choix facile et c'est pourquoi tous les cas de figure sont possibles cette année. Si vous pensez à tous les paramètres, vous comprendrez qu'une élection est moins ennuyeuse qu'on ne le dit en général.
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