L'ASSURANCE-MALADIE, la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), le Syndicat des médecins libéraux (SML) et Alliance se sont promis d'aller à la rencontre des médecins pour « expliquer » la convention médicale qu'ils ont signée le 12 janvier. La première réunion du genre a eu lieu à Nanterre, à la fin de janvier. Le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie (Uncam), Frédéric van Roekeghem, et les Drs Chassang et Cabrera, présidents de la Csmf et du SML, avaient fait le déplacement pour répondre aux questions de la cinquantaine de praticiens présents. Depuis, de nombreuses autres soirées-débats ont été organisées à l'initiative des syndicats et de l'assurance-maladie auxquelles participent le plus souvent des représentants de MG-France pour « apporter une contradiction ».
Un programme plus ou moins chargé pour les syndicats.
Une vingtaine de soirées en région sont inscrites sur le planning de la Csmf pour les deux prochains mois. Selon le Dr Michel Chassang, ces rencontres sur le terrain avec les professionnels sont « la meilleure occasion de dissiper des malentendus » sur l'accord conventionnel : « Les médecins ne comprennent rien au texte car ils ont subi une profonde désinformation. Ils ne sont pas hostiles à la convention, comme certains voudraient le faire croire mais sont simplement dans l'attente d'explications. Quand on les leur apporte, tout rentre dans l'ordre. Attention, notre rôle s'arrête là. Nous n'avons rien à vendre et n'allons pas nous transformer en VRP de la réforme », insiste le président de la Csmf.
Le Dr Dinorino Cabrera a pour sa part « mis un frein », depuis quelques jours, à ses déplacements en région pour boucler le dossier de la Classification commune des actes médicaux (Ccam) techniques. Le président du SML se rendra en mars aux réunions pilotées par son syndicat dans l'Essonne, à Nice et à Bordeaux. « Il y en aura d'autres », assure le Dr Cabrera, qui s'attend à une demande plus forte des médecins en juin, juste avant l'entrée en application de la réforme. « Comme à chaque convention, il règne une certaine incompréhension. Nous avons quatre mois pour expliquer les modalités du texte aux 120 000 libéraux », explique le président du SML. Ce sont souvent les mêmes questions qui reviennent aux oreilles des leaders syndicaux. Elles portent sur des thèmes bien précis : le dispositif du médecin traitant et le parcours de soins, les nouveaux tarifs et les dépassements d'honoraires. « Il y a encore une réelle confusion entre le médecin traitant et le médecin référent, confie le Dr Félix Benouaich, président d'Alliance. De nombreux spécialistes pensent que les patients devront obligatoirement passer chez leur médecin traitant avant de les consulter, comme avec le médecin référent. Clarifions les choses, il n'y a aucune obligation ! »
Le rôle primordial des Cpam.
Consciente du chantier qui l'attend, l'assurance-maladie doit préciser dans les prochains jours comment elle entend informer les médecins des dispositions de la nouvelle convention. La Cnam a d'ores et déjà annoncé que près de 700 délégués de ses Cpam seraient « recyclés » pour « vendre la réforme et expliquer le contenu de la convention, les priorités de la maîtrise médicalisée, leur pourquoi », selon les termes de Frédéric van Roekeghem (« le Quotidien » du 8 février). La Cnam lancera « un appel d'offres » pour confier la gestion de cette opération à une société privée. Les 128 caisses locales devraient pour leur part être incitées à organiser des débats. Ce sont pour l'heure les réunions organisées par les caisses qui semblent attirer le plus grand nombre de médecins.
À Chartres, une cinquantaine de généralistes et spécialistes de l'agglomération (sur 140 invités) ont assisté lundi au débat organisé par la Cpam d'Eure-et-Loir et la Csmf 28. « Nous avons présenté le parcours de soins puis les objectifs attendus avec la maîtrise médicalisée », précise Raynal Le May, directeur de la Cpam. Les discussions ont duré deux heures et demie en présence d'une dizaine de membres de MG-France « qui ont exprimé leurs convictions sans agressivité ». « Beaucoup de questions pointues ont été posées par les médecins, notamment ceux qui ont un exercice particulier. C'est grâce à ces échanges que les médecins s'approprieront la philosophie du système », analyse Raynal Le May. Trois nouvelles réunions sont prévues dans le département à Chateaudun, Nogent-le-Rotrou et Dreux.
D'autres rencontres seront organisées partout en France par des Cpam, notamment en Seine-Maritime, Haute-Saône, dans le Loiret et le Doubs.
Encore beaucoup de questions.
En plus des réunions de l'assurance-maladie, MG-France programme ses propres soirées pour expliquer les raisons de son opposition à l'accord. Le Dr Pierre Costes, président du syndicat, constate que la nouvelle convention suscite chez les médecins un moindre intérêt que les précédentes . « Certaines réunions ont dû être annulées, faute de combattants et les signataires ne s'exposent pas. Aujourd'hui pourtant, les médecins doutent, car rien n'est clair », analyse le Dr Costes .
En effet, la convention n'a pas livré tous ses secrets. La preuve : la plateforme téléphonique à destination des professionnels mise en place en janvier près d'Orléans (1) par l'assurance-maladie continue de recevoir « 200 à 250 appels par jour ». « Une recrudescence de questions pourrait survenir avec la parution de la convention au « Journal officiel » et la probable mise en œuvre de la Ccam technique au 1er mars. C'est pourquoi la Cnam a décidé de prolonger de trois mois l'existence de la plate-forme jusqu'à la fin du mois de juin », explique Patrick Rouyer, directeur-adjoint de la Cpam du Loiret.
(1) Pour toute question relative à la convention, les professionnels de santé peuvent contacter le 0820.77.30.30 du lundi au vendredi de 8h00 à 18h00 jusqu'à la fin du mois de juin.
Le regard d'une dermatologue
Le Dr Élisabeth Hau Dumoulin, dermatologue à Chartres, a assisté à la réunion de la Cpam d'Eure-et-Loir. Elle livre ses impressions : « J'ai décidé de me rendre à ce rendez-vous car je voulais comprendre un peu mieux la réforme et la convention, qui ressemble à une usine à gaz.La discussion est un peu partie dans tous les sens. C'était "règlement de compte à OK Coral". Les spécialistes ont demandé en quoi le parcours de soins allait changer leur exercice, comment ils pourraient se "repasser" les patients. Les généralistes et les représentants de MG-France ont râlé car les rémunérations du médecin traitant n'étaient pas suffisantes. Le représentant national de la Csmf a justifié la convention avec beaucoup de calme. En fin de soirée, le directeur de la Cpam a présenté un tableau avec les objectifs de maîtrise médicalisée pour 2005. Des économies sont attendues sur la prescription d'antibiotiques, de psychotropes ou de statines. La Sécu introduit une notion de rentabilité, un peu comme si nous étions dans une entreprise privée. Je ne vois là rien d'anormal si l'on veut éviter le gaspillage et mieux contrôler les dépenses de santé. La réunion n'a pas levé tous les doutes, mais elle a été utile. Elle a permis de voir quelle était la nouvelle politique de la Sécu. »
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