ON SAIT, d'une part, que le risque de transformation d'un nævus en mélanome est très rare (excepté pour les nævus géants congénitaux de grande taille)* et, d'autre part, que les mélanomes ne naissent qu'occasionnellement d'un nævus (on considère qu'environ 20 % des mélanomes sont issus d'un nævus)**. Cela étant posé, comment se fait-il qu'un nævus puisse se transformer en mélanome ? C'est à cette question qu'ont cherché à répondre Véronique Delmas et coll., du laboratoire Génétique et développement des mélanocytes (CNRS-Institut Curie), dirigé par Lionel Larue, directeur de recherche à l'INSERM. Résultat : les chercheurs ont identifié «l'un des mécanismes responsables de l'immortalisation des mélanocytes, étape indispensable à la transformation en mélanome», indique un communiqué. Ces travaux, qui sont publiés dans « Genes and Development », constituent une avancée majeure dans la compréhension de cette maladie.
Bombes désamorcées.
La transformation d'une cellule normale en cellule tumorale, est-il rappelé dans le communiqué, implique de multiples altérations génétiques et épigénétiques.
«Dans les nævi, après une étape de prolifération active des mélanocytes due à une mutation dans leur génome, ceux-ci cessent de se diviser et entrent dans un état dit de “sénescence”. Dans cet état, les mélanocytes précancéreux ne se divisent plus, mais ne meurent pas pour autant.»
Dans la grande majorité des cas, les nævi se comportent pendant des années comme des bombes désamorcées, n'évoluant pas vers la malignité. «Parfois, les cellules sortent de la sénescence: elles se multiplient alors, de manière indéfinie, pour former un mélanome.» Pourquoi ?
L'équipe dirigée par Lionel Larue a identifié un mécanisme moléculaire qui permet aux cellules sénescentes de devenir immortelles. Les chercheurs ont en effet montré que la bêtacaténine – déjà connue pour son rôle dans la prolifération cellulaire des carcinomes – est capable d'induire l'immortalisation des mélanocytes en réprimant l'expression du gène suppresseur de tumeur p16INK4A, qui contrôle l'immortalité cellulaire.
«L'identification du mécanisme conduisant les cellules précancéreuses vers l'immortalité et la transformation tumorale est une découverte qui permet de mieux comprendre comment un simple grain de beauté peut se transformer en tumeur cancéreuse.» Ce travail pourrait conduire à tester des agents thérapeutiques.
Delmas V et coll. Genes and Development, 15 novembre 2007.
* B. Crickx et J.-C. Roujeau, « Ann Dermatol Venereol », 2002 ; 129 : 2S149-52.
** Dermatologie et maladies sexuellement transmissibles, Masson, 4e édition, p. 667.
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