DÉCOUVERTS initialement en 1993 chez le ver C.elegans, puis chez l'homme en 2001, les micro-ARN (miARN) sont apparus ces dernières années comme étant d'importants régulateurs de l'expression des gènes. Ces petits ARN non codants, simple brin, d'une longueur d'environ 22 nucléotides, sont des répresseurs post-transcriptionnels : en s'appariant à leurs ARN messagers (ARNm) cibles, ils provoquent leur dégradation ou la répression de leur traduction en protéine.
Chez l'homme, plus de 200 micro-ARN ont été identifiés.
Si la fonction de la plupart de ces miARN reste inconnue, on a déjà établi pour un petit nombre d'entre eux une participation à des processus biologiques essentiels : hématopoïèse, chronologie du développement, différenciation et prolifération cellulaire, apoptose.
Par ailleurs, ces miRNA ont été décrits comme dérégulés dans un grand nombre de tumeurs. Des signatures spécifiques d'expression des miARN ont été détectées dans une variété de cancers.
Ainsi, par exemple, une région du chromosome 13q encodant un groupe de 7 micro-ARN (miR-17-5p, miR-17-3p, miR-18a, miR-19a, miR-20a, miR-19b et miR-92) est souvent amplifiée dans le lymphome et dans d'autres cancers. Ce groupe a reçu l'appellation miR-17-92.
Des souris malades en moins de deux mois.
De précédents travaux ont montré que l'expression rétrovirale de miR-17-92 dans le système hématopoïétique accélère le développement du lymphome qui est induit par l'oncogène c-Myc dans un modèle de souris transgénique.
Il restait cependant à savoir comment précisément la surexpression de miR-17-92 pouvait favoriser le développement du lymphome (ou la lymphomatogenèse).
Le Dr Klaus Rajewsky et son équipe, de la Harvard Medical School, à Boston (Etats-Unis), ont cherché à élucider le mécanisme.
Pour en savoir plus, l'équipe de Rajewsky a utilisé une approche de ciblage de gène avec gain de fonction ; elle a développé une lignée de souris transgéniques qui surexpriment le groupe de micro-ARN humains miR-17-92 dans leurs lymphocytes (B et T). La surexpression des micro-ARN dans leurs lymphocytes est comparable (ou légèrement plus faible) à celle observée dans les cellules du lymphome humain.
En moins de deux mois, ces souris (TG/TG) développent une maladie lymphoproliférative associée à une auto-immunité et meurent prématurément (23/25 ou 92 % des souris). In vitro, on observe que les lymphocytes de ces souris ont une prolifération et une survie accrues après activation par différents facteurs (anti-CD3, anti-IgM, lipopolysaccharide). Enfin, l'équipe montre que les micro-ARN miR-17-92 répriment l'expression de deux tumeurs-suppresseurs, PTEN et Bim (protéine proapoptotique).
La mutation de ces deux gènes était déjà connue pour prédisposer au lymphome et à l'auto-immunité.
Les chercheurs démontrent que l'inhibition de l'expression de PTEN et de Bim par les micro-ARN miR-17-92 contribue de façon importante au phénotype auto-immun et lymphoprolifératif des souris transgéniques ; cependant, d'autres gènes ciblés par les micro-ARN qui restent à préciser sont également impliqués.
Des cibles en clinique ?
L'équipe propose donc que l'inhibition de l'expression de PTEN et de Bim par les micro-ARN miR-17-92 «contribue au développement du lymphome des patients, chez lesquels la région codante miR-17-92 est amplifiée dans les cellules tumorales».
«Nos résultats suggèrent que la surexpression de miR-17-92 pourrait bien être impliquée dans les phases précoces de la lymphomatogenèse», ajoutent-ils.
Une question se pose maintenant : ces micro-ARN pourraient-ils être des cibles thérapeutiques dans le traitement du cancer ?
« Nature Immunology », 9 mars 2008, Xiao et coll., DOI : 10.1038/ni1575.
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