UNE RÉPONSE à un constat clinique chez les patients diabétiques obèses vient d'être apportée par des équipes françaises. En effet, afin d'obtenir une perte de poids, une chirurgie bariatrique est proposée à certains d'entre eux. Elle repose notamment sur deux interventions différentes : l'anneau gastrique ou le by-pass gastrique (court-circuit). Or, dans la seconde situation, les cliniciens constatent une amélioration rapide et spectaculaire du diabète, en pratique avant même que l'action de la réduction pondérale ne se soit fait sentir. Le travail mené par les équipes de Fabrizio Andréelli (INSERM U695, hôpital Bichat, Paris) et Gilles Mithieux (INSERM U855, Lyon-I) va même au-delà de l'explication pour conforter les notions sur le rôle endocrine de l'intestin.
L'intestin distal anastomosé à l'estomac.
Pour parvenir à leurs conclusions, les équipes ont travaillé sur des modèles murins. Ils ont réalisé sur des souris soit un anneau gastrique, soit l'équivalent d'un court-circuit gastrique « Roux-en-Y ». Au cours de cette dernière intervention, chez l'humain, le chirurgien sectionne les deux tiers inférieurs de l'estomac et l'intestin grêle à environ 2 m de la jonction iléo-cæcale, excluant ce secteur intestinal de la digestion. Ainsi, l'intestin proximal relié à l'estomac reste en place, mais ne reçoit plus d'aliments, alors que l'intestin distal anastomosé à l'estomac reçoit directement les nutriments.
Les animaux ont eu un régime alimentaire riche en sucre et en lipides visant à reproduire l'état métabolique des sujets obèses diabétiques. Puis les chercheurs ont testé une hypothèse explicative : au cours du by-pass, c'est la néoglucogenèse intestinale qui participe à l'amélioration du diabète. Ils se sont fondés sur des travaux antérieurs qui avaient montré dans la paroi de la veine porte l'existence d'un système nerveux susceptible de détecter le glucose intestinal. Ce système transmet l'information au cerveau, qui, en réaction, réduit la sensation de faim.
Pendant le court-circuit gastrique, le segment d'intestin grêle anastomosé à l'estomac, qui en temps normal ne produit guère de glucose, active cette production. Les chercheurs ont constaté une forte expression des gènes de la synthèse de glucose tout au long de l'intestin des souris ayant eu le by-pass, contre aucune chez celle ayant eu un anneau. Le grêle distal s'est mis à fonctionner comme le grêle proximal. Cette synthèse denovo de glucose, ou néoglucogenèse, active le signal dans la veine porte et elle persiste en dehors des périodes de repas. Il s'ensuit chez les rongeurs une diminution des prises alimentaires, ainsi qu'une meilleure sensibilité à l'insuline. L'ensemble contribue à normaliser la glycémie.
Privées du gène d'un transporteur de glucose.
Une confirmation a été apportée chez des souris génétiquement modifiées. Elles ont été privées du gène d'un transporteur de glucose, GLUT-2, indispensable au fonctionnement des récepteurs au glucose de la veine porte. Les chercheurs ont constaté, chez ces animaux, la perte de l'effet bénéfique du court-circuit gastrique. Ce qui a confirmé leurs conclusions.
«Notre étude, conclut l'équipe, fournit de nouvelles découvertes sur les mécanismes par lesquels le court-circuit gastrique améliore rapidement l'homéostasie du glucose. Grâce au modèle murin de court-circuit gastrique, nos données suggèrent que cette procédure peut stimuler une néoglucogenèse intestinale, ainsi que le capteur au glucose hépatoportal par une voie dépendant de GLUT-2. En conséquence, le court-circuit gastrique modifie rapidement la sensibilité à l'insuline… indépendamment de la perte de poids… Ce qui nous conduit à suggérer que le métabolisme intestinal, particulièrement par sa fonction de néoglucogenèse, pourrait être un acteur crucial non seulement dans le contrôle de la prise alimentaire mais aussi dans la régulation de l'homéostasie du glucose.»
« Cell Metabolism » 8 : 201-11.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature