EN MARS 2006, l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) a décidé de se pencher sur la politique vaccinale en France. Chargé d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique, l'Office s'inquiétait des limites actuelles de l'organisation de la vaccination, de la recherche vaccinale et de la production de vaccins. Le rapport issu de ses travaux a été présenté par le sénateur-médecin Paul Blanc (UMP, Pyrénées-Orientales).
La France, patrie de Pasteur et de Mérieux, a joué et continue à jouer un rôle majeur dans l'aventure des vaccins. Elle reste le premier pays producteur de vaccins et exporte 85 % de sa production. Elle accueille sur son territoire trois des quatre laboratoires présents sur le marché des vaccins (GlaxoSmithKline, sanofi-aventis et Wyeth). A eux trois, ils se partagent 95 % de ce marché. Sur le plan sanitaire, la France a mis en place un calendrier vaccinal exigeant et constitue un des rares pays à maintenir une obligation vaccinale pour certains vaccins (DT-Polio).
L'heure n'est plus au triomphalisme.
«Pourtant, l'heure n'est plus au triomphalisme», expliquent les parlementaires. Face à la menace de nouvelles pandémies, les industriels et les chercheurs s'interrogent sur leur capacité à découvrir et à produire de nouveaux vaccins dans des délais suffisants. Par ailleurs, la vaccination est contestée par des lobbies anti- vaccination de plus en plus virulents et le comportement des Français est, vis-à-vis des vaccins, souvent paradoxal : ils réclament «des vaccins efficaces contre les maladies émergentes - la grippe aviaire, le chikungunya – tout en manifestant volontiers indifférence, suspicion, voire réelle hostilité à l'égard des vaccins existants», note le rapport. «Plus grave, poursuit-il, ce sentiment est parfois partagé par des professionnels de santé. Les recommandations ne sont pas toujours suivies et certains vaccins, celui contre l'hépatiteB notamment, font l'objet d'une inquiétante désaffection». Résultat : si la couverture vaccinale est globalement satisfaisante – le taux de vaccination contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite dépasse 95 % chez les enfants de moins de deux ans – elle est insuffisante pour la rougeole et très faible pour l'hépatite B. De même, la couverture se dégrade chez les adolescents et les jeunes adultes, faute d'effectuer les rappels nécessaires.
Le rapport s'est appuyé sur les conclusions d'une étude de la société de consultants Alcimed. Il préconise un certain nombre de recommandations, dont certaines pourront faire l'objet de propositions législatives lors de la discussion des prochains textes de santé publique et de finances sociales. «La politique vaccinale doit trouver un second souffle en mobilisant les professionnels de santé, les autorités sanitaires, les industriels et la population dans son ensemble», expliquent les sénateurs.
Améliorer la couverture vaccinale.
La première série de mesures vise à améliorer la couverture vaccinale.
Des médecins mieux formés et mieux informés : les médecins libéraux, généralistes ou pédiatres, réalisent 90 % des vaccinations. Principaux promoteurs de la politique vaccinale, leur formation initiale reste largement insuffisante : quatre heures de cours théoriques en troisième année sont consacrées à la vaccination. L'OPEPS propose de renforcer l'enseignement (formation aux techniques et aux stratégies les plus récentes ; information sur les obligations et les objectifs du calendrier vaccinal ; apprendre les symptômes des maladies aujourd'hui éradiquées sur le territoire national pour les reconnaître en cas de résurgence est pour les parlementaires un « devoir de mémoire »). Pour s'assurer du niveau de connaissances des jeunes médecins, cet enseignement renforcé devrait figurer aux épreuves classantes nationales. De même, l'offre de FMC des généralistes sur ce sujet devrait être développée et les données sur la politique vaccinale (recommandations, avis officiel, modifications du calendrier vaccinal) devraient être plus accessibles via Internet ou un support papier envoyé à chaque médecin.
Des médecins mieux vaccinés : «Le fait qu'ils doutent de l'opportunité de certains vaccins a des répercussions non seulement sur les taux de vaccination de leurs patients, mais encore sur leur propre capacité à se faire vacciner eux-mêmes», souligne le rapport. Avec un tiers des personnels de santé vaccinés contre la grippe, la situation est préoccupante à l'hôpital. Les parlementaires regrettent que l'obligation vaccinale pour les professionnels de santé, adoptée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (2006), ne soit toujours pas mise en oeuvre, faute de décret d'application.
Le champ des vaccinateurs élargi. L'OPEPS déplore que le rôle des infirmières et des sages-femmes en matière de vaccination, quoique prévu par la loi, reste encore marginal. Il est aussi «regrettable de constater que les médecins scolaires ne font plus partie des vaccinateurs», affirme le rapport. De même, les médecins du travail devraient vacciner plus et ne plus limiter leurs interventions aux vaccins professionnels (leptospirose, rage, hépatite A et B, grippe).
Une population qui retrouve la confiance. Des actions d'envergure à destination du public développées afin de mettre en oeuvre une culture de la prévention : cours d'hygiène et de prévention prévus à l'école primaire, mais rarement dispensés ; campagnes de communication ciblées et régulières pour convaincre du bien-fondé de la vaccination.
Un portail Internet regroupant l'ensemble des informations validées par les autorités sanitaires. Destiné aux professionnels de santé comme au grand public, il devrait être mis en oeuvre par l'Institut de veille sanitaire et les réseaux de surveillance épidémiologique et de pharmacovigilance.
Obligation vaccinalemaintenue et adaptée aux besoins. Les parlementaires jugent que l'arrêt de l'obligation vaccinale pour le BCG n'est pas anodine. Ils se prononcent plutôt pour des obligations ciblées en fonction des catégories de population et des territoires.
Contrôler plus, sanctionner plus. Les parlementaires estiment que le contrôle devrait être confié, dans le cadre de la convention, aux médecins. Ils pourront être aidés dans cette mission par le futur DMP (dossier médical partagé). Cependant, pour être efficace, «l'obligation vaccinale doit également s'accompagner d'une application effective des sanctions prévues», souligne l'OPEPS. Au niveau pénal, le fait de se soustraire à une obligation vaccinale est puni d'une amende de 3 750 euros. Le rapport regrette que les instances chargées du contrôle – tribunaux, conseils généraux, maires, médecins de crèches et de santé scolaire – ne jouent pas suffisamment leur rôle, du fait en particulier de certificats médicaux de complaisance ou de faux certificats de vaccination.
Partenariats pour la recherche.
La deuxième série de mesures est spécifique à la recherche et à la production nationales. En France, la recherche fondamentale est concentrée à l'institut Pasteur et à l'INSERM. Cependant, leurs travaux peinent à intéresser les industriels. Le rapport préconise le développement de partenariat entre les laboratoires pharmaceutiques et les pouvoirs publics, la revalorisation du métier de chercheur et la relance de la recherche clinique.
Enfin, l'OPEPS propose que la France participe plus activement aux politiques sanitaires à destination des pays les plus pauvres, en particulier à travers de nouvelles modalités de financement, telle que l'Alliance Gavi (Global alliance for vaccines and immunisation).
L'OPEPS
L'Observatoire parlementaire d'évaluation des politiques de santé (OPEPS) a été créé par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2003, avec pour mission d'informer le Parlement des conséquences des choix de santé publique. Il est composé des présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des affaires sociales ainsi que des rapporteurs de ces commissions en charge de l'assurance-maladie dans le cadre des lois de financement de la Sécurité sociale ; et de dix députés et dix sénateurs désignés de façon à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques. L'office est saisi par le bureau de l'une ou l'autre assemblée, à son initiative, à la demande d'un président de groupe, à la demande de soixante députés ou de quarante sénateurs ou encore par une commission spéciale ou permanente.
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