EN MATIÈRE de nouvelles formes d'exercice et de regroupement, un certain nombre de vocables fleurissent ici et là, sans que soit clairement définie la réalité qu'ils recouvrent. C'est ainsi que l'on parle aujourd'hui de « cabinets de groupe », de « maisons médicales », de « maisons médicales de garde », de « maisons de santé pluridisciplinaires », de « pôles de santé », sans oublier le dernier-né, issu des travaux du député UMP André Flajolet, les « communautés de santé ».
De façon générale, ces différentes appellations, qui ne disposent pas de définition juridique, désignent toutes un lieu de consultation et de soin partagé par plusieurs professionnels de santé. Mais ils recèlent malgré tout des différences. Et si les URCAM (unions régionales des caisses d'assurance-maladie), sur leur site Internet, mettent dans un même sac une bonne partie de ces différentes expressions – les maisons médicales de garde (MMG) mises à part, structures spécifiques à la permanence des soins –, l'Ordre des médecins y voit quelques différences. Analyse.
-Les cabinets de groupe, maisons de santé ou maisons médicales.
Selon le Dr André Deseur, membre du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), où il est chargé de la communication, ces trois termes recouvrent peu ou prou une seule et même réalité. Il s'agit de lieux où exercent plusieurs médecins, à l'exclusion d'autres professionnels de santé. La seule notable différence qui peut exister entre le cabinet de groupe, d'une part, et la maison de santé ou la maison médicale, d'autre part, réside dans le fait qu'un cabinet de groupe n'est parfois qu'une mise en commun des locaux et des moyens administratifs, alors que, dans les maisons de santé ou maisons médicales, un projet médical a souvent précédé l'association. Les médecins qui exercent dans ces structures peuvent bénéficier de différentes aides de l'Etat et des collectivités territoriales, comme la majoration de 20 % des honoraires, si elles sont installées dans des zones déficitaires en offre de soins. Dans ces mêmes zones, les collectivités territoriales peuvent aussi participer au financement de la structure.
-Les maisons de santé pluridisciplinaires.
A la différence des simples maisons de santé, elles abritent en un même lieu des professionnels de santé médicaux et paramédicaux, qu'il s'agisse de médecins (généralistes et spécialistes), de dentistes, de kinés, d'infirmiers, d'orthoptistes, de podologues ou de diététiciens. Cette distinction entre maisons de santé et maisons de santé pluridisciplinaires est faite par l'Ordre des médecins, alors que les URCAM n'en établissent pas de formelle. Cette liste de professionnels de santé pouvant travailler conjointement dans une maison de santé pluridisciplinaire n'est évidemment pas exhaustive, précisent les URCAM sur leur site, et peut s'adapter à la demande de soins du bassin de population concerné. Tout récemment, à l'issue des premiers travaux des EGOS (états généraux de l'organisation de la santé), Roselyne Bachelot a annoncé la participation de l'Etat à la création de 100 maisons de santé pluridisciplinaires, «à hauteur de 50000euros au maximum par projet» (1). Selon le ministère de la Santé, ces aides ne seront pas réservées exclusivement aux maisons de santé pluridisciplinaires situées dans des zones déficitaires en offre de soins.
Comme pour les maisons de santé, les médecins qui y exercent peuvent bénéficier de la majoration de 20 % de leurs honoraires s'ils exercent en zone déficitaire. Par ailleurs, l'assurance-maladie, à travers des organismes comme le FAQSV (fonds d'aide à la qualité des soins de ville) ou le FIQCS (fonds d'intervention pour la qualité et à la coordination des soins), peut aider à la conception du projet, par exemple en participant aux études préalables, aux équipements (investissements, aménagement), au démarrage (par des aides limitées dans le temps et dégressives), ainsi qu'aux dépenses d'évaluation du dispositif.
-Les maisons médicales de garde (MMG).
Il s'agit de lieux de consultation et de premiers soins ouverts en dehors des horaires habituels des cabinets, c'est-à-dire aux horaires de la permanence des soins (PDS) : tous les soirs à partir de 20 heures, le samedi à partir de 12 heures et le dimanche à partir de 8 heures. Une maison médicale de garde peut, dans certains cas, fonctionner dans les locaux d'une maison de santé, pluridisciplinaire ou non. Les médecins qui y exercent aux horaires de la PDS bénéficient du paiement d'une astreinte (50 euros par tranche de quatre heures) et d'honoraires majorés. Ils peuvent aussi, s'ils exercent dans une zone déficitaire en offre de soins, voir leurs revenus de PDS défiscalisés. Les MMG peuvent également bénéficier d'aides du FAQSV ou du FIQCS, sans que ces aides soient conditionnées à une implantation en zone déficitaire en offre de soins.
-Les pôles de santé.
Dans le département de la Mayenne, un projet de huit pôles, déjà validé par les collectivités territoriales, est en cours de négociation avec les professionnels de santé libéraux du département. Pour l'un des principaux promoteurs de ce projet, le Dr Luc Duquesnel, les pôles de santé se distinguent des maisons de santé pluridisciplinaires en ce qu'ils s'intègrent dans une dimension territoriale plus globale : un pôle de santé ne se conçoit pas de manière individuelle, mais dans un schéma (territorial, départemental ou régional) de l'organisation des soins primaires. Pour le reste, un pôle de santé présente de nombreuses similitudes avec les maisons de santé pluridisciplinaires, notamment en ce qu'il rassemble comme elles des professionnels médicaux et paramédicaux. Ces structures peuvent bénéficier des mêmes aides que les maisons de santé pluridisciplinaires, mais, dans la pratique, leur dimension territoriale les rend plus attrayants encore aux yeux des mairies, des conseils généraux ou régionaux.
-Les communautés de santé.
C'est le nouveau vocable lancé par le député UMP André Flajolet, chargé par Roselyne Bachelot d'un rapport sur les inégalités d'accès aux soins en France. Par ce terme, il désigne «un lieu de partage de tâches, dans lequel, outre des médecins généralistes et spécialistes, on trouve aussi des paramédicaux, de l'administration, du suivi, de l'HAD et des soins de fin de vie». Pour André Flajolet, il s'agit de «lieux pertinents sur un territoire cohérent, dans lesquels les collectivités locales seront impliquées, tant dans le domaine de la prévention primaire que secondaire ou tertiaire». Le député UMP n'ayant à ce jour rendu qu'un prérapport à la ministre de la Santé, il est trop tôt pour savoir si cette proposition sera retenue, quels en seront les contours précis, et si ces nouvelles formes de regroupement bénéficieront d'aides spécifiques.
Toutes ces différentes structures, à l'exception parfois des cabinets de groupe, ont (ou auront) généralement élaboré un projet médical, préalable au regroupement des professionnels qui y travaillent (ou y travailleront). Pour Luc Duquesnel, un projet médical est «un accord passé entre des professionnels de santé qui souhaitent travailler ensemble, sur l'organisation et le fonctionnement de leur regroupement, ainsi que sur leurs objectifs en termes de soins et de prévention. Ce projet s'articule avec le secteur médico-social du territoire concerné, ainsi qu'avec ses structures hospitalières, qu'il s'agisse d'un hôpital local, d'un centre hospitalier ou d'un centre hospitalier universitaire».
(1) Cet engagement devrait trouver une traduction juridique dans le projet de loi de santé publique sans doute discuté à l'Assemblée à l'automne prochain.
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