Par le Pr BRUNO FAUTREL*
LA POLYARTHRITE rhumatoïde (PR) est une maladie grave à différents titres : en l'absence de traitement, elle évolue de façon chronique sur de nombreuses années, entraînant non seulement des douleurs et une fatigue importante, mais engendrant une destruction progressive des articulations, aboutissant à terme à un handicap croissant avec toutes les conséquences sociales et humaines que cela peut représenter. De plus, l'inflammation chronique liée à la PR est à l'origine d'une augmentation du risque cardio-vasculaire, se traduisant par une augmentation de la mortalité par infarctus du myocarde chez les patients souffrant de PR.
On dispose actuellement de traitements de fond puissants qui, en agissant efficacement sur ces différents aspects de la maladie, ont permis de transformer le pronostic de la maladie ; on peut ainsi citer, parmi d'autres, le méthotrexate et les biothérapies ciblant le TNF alpha.
Au-delà des médicaments, plusieurs travaux ont montré qu'une prise en charge spécialisée permettait une optimisation des traitements et des soins, aboutissant à moins de douleurs, moins de dégâts structuraux, moins de handicap et surtout à une réduction de la surmortalité cardio-vasculaire.
Des recommandations.
La prise en charge spécialisée et optimisée repose sur quatre éléments fondamentaux : 1) un diagnostic évoqué plus précocement ; 2) la mise en route rapide dès que le diagnostic peut être raisonnablement retenu d'un traitement de fond efficace ; 3) la définition d'objectifs thérapeutiques consensuels et précis, tant sur le plan clinique que structural ; 4) l'élaboration d'un suivi optimisé, permettant une surveillance et une adaptation plus fines de la maladie et de ses traitements pour un meilleur équilibre de la maladie.
Il est important à ce titre d'insister sur l'effort substantiel qu'a produit la communauté médicale rhumatologique, tant en France qu'à l'échelon européen, afin d'établir des standards consensuels et d'élaborer des recommandations pour le diagnostic, le traitement et le suivi des PR.
Ces recommandations mettent en avant quelques références qu'il convient de rappeler.
L'objectif thérapeutique est la rémission clinique et biologique ou, à défaut, la mise de la maladie en faible niveau d'activité inflammatoire. Pour évaluer l'activité inflammatoire, des outils ont été développés, non pas seulement dans le cadre des essais thérapeutiques, mais aussi pour la pratique courante. Le DAS 28 (pour Disease Activity Score sur 28 articulations) est le plus connu. En parallèle, l'aggravation des dégâts articulaires sur les radiographies doit être stoppée ou tout du moins significativement ralentie. Et il est important de rappeler que ces objectifs thérapeutiques ambitieux sont accessibles avec les traitements de fond actuels.
Les modalités de surveillance.
La surveillance clinique doit être initialement mensuelle lors de l'introduction d'un nouveau traitement de fond, puis, en général, trimestrielle, reposant sur le compte des articulations gonflées et des articulations douloureuses, sur l'évaluation de l'activité de la maladie de façon globale par le patient lui-même sur une EVA, sur la quantification du dérouillage matinal, la recherche de manifestations extra-articulaires.
Lors de la consultation, l'examen clinique permettra également d'apprécier la tolérance des différents traitements.
La surveillance biologique de la PR comprend au minimum la mesure de la VS et de la CRP, paramètres qui reflètent l'inflammation liée à la maladie. Les autres examens dépendent des traitements en cours, là encore pour détecter un possible effet indésirable.
Sur le plan structural, les radiographies annuelles des mains et des poignets (de face) et des avant-pieds (de face en charge et de profil dans les formes débutantes) sont la référence. Des clichés d'autres articulations éventuellement symptomatiques peuvent être utiles. Un suivi semestriel peut être intéressant dans la première année d'évolution de la maladie. Une fois la PR stabilisée, la surveillance radiographique peut être un peu plus espacée.
Echographie et IRM.
Récemment, l'intérêt de moyens d'imagerie plus modernes a été mis en avant. L'échographie, de plus en plus répandue dans les services et parfois même dans les cabinets de rhumatologie, est d'une aide précieuse en raison de son accès facile et de sa simplicité d'utilisation : elle permet de détecter et de quantifier plus précisément l'inflammation synoviale et plus précocement les atteintes structurales. L'IRM est également très performante au cours de la PR, mais son accès difficile et son coût en limitent l'utilisation à l'heure actuelle. Le développement d'IRM à bas champ ou IRM dédiées (petites IRM) pourrait à terme changer les choses.
Fort de ce suivi et de cette évaluation de la maladie au fil du temps, il est possible de gérer au mieux les traitements, tant dans leur choix que dans leur posologie. Les traitements actuels, même s'ils ne sont pas dénués d'effets indésirables, sont globalement bien tolérés et disposent de taux de maintien thérapeutique - reflet à la fois de leur efficacité et de leur tolérance - très intéressants. Le « visage » de la PR a de ce fait été complètement transformé au cours des dix dernières années, ce qui tombe fort à propos à l'heure de la « Bone and Joint Decade » de l'Organisation mondiale de la santé.
* UFR de médecine, université Paris-VI - Pierre-et-Marie-Curie.
Service de rhumatologie, Groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Pham T, Gossec L, Fautrel B et coll. Physical Examination and Laboratory Tests in the Management of Patients with Rheumatoid Arthritis : Development of Recommendations for Clinical Practice Based on Published Evidence and Expert Opinion. « Joint Bone Spine » 2005 ; 72 (3) : 222-228.
(2) Gossec L, Fautrel B, Pham T et coll. Structural Evaluation in the Management of Patients with Rheumatoid Arthritis : Development of Recommendations for Clinical Practice Based on Published Evidence and Expert Opinion. « Joint Bone Spine » 2005 ; 72 (3) : 229-234.
(3) Fautrel B, Pham T, Gossec L et coll. Role and Modalities of Information and Education in the Management of Patients with Rheumatoid Arthritis : Development of Recommendations for Clinical Practice Based on Published Evidence and Expert Opinion. « Joint Bone Spine » 2005 ; 72 (2) :163-170.
(4) Combe B, Landewe R, Lukas C et coll. Eular Recommendations for the Management of Early Arthritis : Report of a Task Force of the European Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics (Escisit). « Ann Rheum Dis » 2007 ; 66 (1) : 34-45.
(5) Fautrel B, Constantin A, Morel J et coll. Recommendations of the French Society for Rheumatology. TNFalpha Antagonist Therapy in Rheumatoid Arthritis. « Joint Bone Spine » 2006 ; 73 (4) : 433-441.
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