ENVISAGÉE DEPUIS plusieurs années, la réforme de la première année de médecine verra-t-elle bientôt le jour ? Valérie Pécresse a annoncé son intention de s'attaquer à ce «serpent de mer». La ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche devrait pour ce faire s'appuyer sur le rapport que doit lui remettre cette semaine Jean-François Bach.
Le secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences a formulé plusieurs propositions pour améliorer le déroulement de la première année de médecine et faciliter les réorientations après le concours. « Le Quotidien » s'est procuré ce rapport d'une vingtaine de pages.
Très dense, celui-ci recueille plusieurs pistes évoquées ces dernières années dans plusieurs autres rapports consacrés au PCEM1 (meilleure orientation, limitation du redoublement, refonte pédagogique...). Il est toutefois plus abouti dans la mesure où il précise les nombreuses «passerelles entrantes et sortantes à la première année» qui pourraient voir le jour afin de limiter le «gâchis humain» dont est responsable le PCEM1 tous les ans (voir ci-dessous). «Le système actuel engendre trop d'échecs et de frustration, de temps perdu pour de très nombreux étudiants, note en préambule le rapporteur. La qualité de l'enseignement est rendue souvent médiocre par l'encombrement très excessif des classes, créant une compétition insupportable entre les étudiants pour l'accès aux amphithéâtres. Cette année [...] est vécue comme une épreuve redoutable. Elle est, de plus, une perte inutile de temps et d'argent pour l'université». Sur les quelque 50 000 étudiants inscrits en médecine cette année, seulement 7 300 seront autorisés à poursuivre leurs études de médecine à la prochaine rentrée universitaire. De nombreux étudiants recalés ne feront pas valoir leur(s) année(s) de médecine pour se réorienter.
Programme commun, mais quatre concours.
Jean-François Bach propose de réformer le PCEM1 en rapprochant les quatre filières de médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie. Le programme serait commun, mais quatre concours distincts seraient organisés de façon à permettre à chaque étudiant de se présenter à plus d'un concours. Chaque concours aurait des épreuves distinctes avec éventuellement des coefficients différents.
Le rapport recommande de revoir la pédagogie du PCEM1 et d'adapter les enseignements aux nouvelles technologies (enregistrements vidéo, DVD, Internet...). La commission Bach se déclare favorable à l'instauration d'un tutorat assuré par des étudiants d'années supérieures et des enseignants. Pour éviter l'augmentation des inscriptions en PCEM1, le rapport préconise de mieux informer les jeunes dès le lycée. Le développement d'initiatives comme des journées « portes ouvertes » dans les facultés ou des rencontres entre des lycéens, des enseignants et des étudiants permettrait d'informer les jeunes sur la longueur et la difficulté des études. «Des moyens y compris financiers devraient être disponibles pour cette action d'importance majeure», précise le rapport. Des entretiens avant l'entrée à l'université devraient être encouragés pour réduire le nombre d'inscrits en première année de médecine. La sélection à l'entrée en PCEM1 n'a, en revanche, pas été retenue du fait de «son inacceptabilité légale et politique». Elle préconise toutefois la création d'une épreuve d'admissibilité au cours de la première année. «La barre d'admissibilité pourrait, par exemple, être placée à 6/20 ou à un facteur multiplicatif du numerus clausus total à fixer pour les quatre filières, précise le rapport. L'important est de réorienter dès la fin du premier semestre les étudiants qui, d'après les statistiques actuelles, n'ont aucune chance de succès.» Les étudiants recalés à cette épreuve n'auraient pas le droit de se présenter au concours de fin d'année, mais pourraient rentrer dans l'une des quatre filières de santé en se présentant après un «rattrapage de 18mois dans une filière scientifique». Cette épreuve d'admissibilité, si elle était appliquée, entraînerait une réduction d'environ 30 % des étudiants à partir du 2e semestre.
La réforme de la PCEM1, qui pourrait s'inscrire dans le cadre de l'intégration des études de médecine au cursus européen du LMD (Licence-Master-Doctorat), est jugée d'autant plus nécessaire que le concours est régulièrement entaché de dysfonctionnements. Après l'imbroglio juridique intervenu cet été à Lille, deux épreuves de sciences sociales ont encore été annulées la semaine dernière à Limoges.
Vers davantage de passerelles
Le rapport Bach détaille pour la première fois les nouvelles voies d'entrée en «filières santé» et les passerelles sortantes qui permettraient, si elles étaient mises en place, de limiter le «gâchis humain» en première année. Plusieurs voies d'entrée dans les études de maïeutique, de médecine, d'odontologie et de pharmacie pourraient être envisagées pour ouvrir ces cursus à des étudiants d'autres horizons. Une petite proportion d'étudiants engagés dans un parcours scientifique solide pourrait ainsi entrer en «L2 Santé» sans passer par le concours du L1. Des étudiants «reçus-collés» ayant validé un L3 pourraient également être autorisés à réintégrer cette L2 santé ainsi qu'un petit nombre de titulaires d'un baccalauréat littéraire et économique. Le rapport recommande que des élèves de certaines grandes écoles ou des titulaires d'un doctorat d'université puissent entrer en L3 Santé (actuelle DCEM 1) après un entretien et une analyse de dossier.
La commission Bach propose également l'ouverture de plusieurs passerelles sortantes vers des cursus universitaires généralistes (biologie, chimie, biochimie, mathématiques, informatique...) et vers des cursus universitaires professionnalisants dans le domaine de la santé ou des sciences (orthoptie, orthophonie, audioprothèse, nutrition...). Des accords devraient être trouvés avec certains IUT qui donneraient la possibilité à des étudiants d'entrer en L2. Le rapport conseille de faciliter les réorientations vers des formations professionnelles courtes non universitaires (techniciens de laboratoire d'analyses médicales, école de préparateurs en pharmacie, hygiénistes dentaires, opticiens, visiteurs médicaux, etc.) ou des écoles paramédicales d'infirmières, de masseurs-kinésithérapeutes, manipulateurs radio, ergothérapeutes...
Certains métiers nouveaux dans le domaine de la santé pourraient être ciblés : technologie biomédicale, attachés de recherche clinique, etc. «Pour l'ensemble de ces réorientations, des négociations sont à prévoir, soit avec les universités, qui, en fonction de leurs spécialisations, devraient valoriser préférentiellement certaines filières, soit avec le ministère de la Santé ou les directeurs d'école», précise le rapport.
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