HTA
Le médecin traitant refait un contrôle quelques semaines plus tard. L'HTA est toujours présente et sera confirmée par une automesure à domicile sur trois jours. La moyenne des mesures réalisées matin et soir est de 145/91 mmHg (seuil normal de la PA par automesure : 135/85 mmHg). L'hypokaliémie est également confirmée à 3,1 mmol/l. La natrémie est à 140 mmol/l, la chlorémie à 110 mmol/l, la réserve alcaline à 25 mmol/l. Dans les urines de 24 heures (1,6 l), la concentration du sodium est de 90 mmol/l, celle du potassium de 70 mmol/l, celle de l'urée de 280 mmol/l. L'osmolalité du sang (OsmS) peut être calculée par la formule suivante : 2 x natrémie/l + 10 ; elle est de 290 mOsmol/l (2 x 140 + 10).
Fuite de potasssium
L'osmolalité urinaire (OsmU) peut être calculée par la formule suivante : 2 x (Na/l + K/l) + urée/l.
Elle est de 600 mOsm/l 2 x (90 + 70) + 280. On peut alors calculer le gradient transtubulaire de K (Gttk) par la formule suivante : Gttk = Ku x OsmS/OsmU + Ks, soit, chez notre patient : 70 x 290/600 + 3,1 = 37. La fuite de potassium est bien d'origine rénale car, en présence d'une hypokaliémie d'origine non rénale, le Gttk aurait été < 2.
L'association d'une hypokaliémie d'origine rénale à une HTA conduit à rechercher un hyperaldostéronisme primaire ou secondaire. Le bilan hormonal confirme que l'hyperaldostéronisme est bien primitif, avec un taux d'aldostérone plasmatique élevé et une activité rénine plasmatique basse. Le scanner surrénalien montre une tumeur de la glande surrénale gauche. L'ablation chirurgicale de cette tumeur sera réalisée et l'examen anatomopathologique confirmera l'adénome de Conn.
En postopératoire, la pression artérielle se normalise, la kaliémie se stabilise entre 4,2 et 4,5 mmol/l, le Gttk est calculé à nouveau et sa valeur est de 8, soit normale (de 6 à 12).
Commentaire 1
L'origine rénale ou non d'une hypokaliémie peut être évaluée par le Gttk, à la portée de tous les laboratoires d'analyses médicales.
Pour être fiable, le calcul du Gttk doit prendre en compte le transfert du potassium dans le tube collecteur cortical (TCC) du néphron. Le Gttk traduit la force de sécrétion du K par les cellules principales du TCC. La sécrétion du K à cet endroit du néphron dépend de trois facteurs : la réabsorption du sodium dans le TCC qui est largement dépendante de l'action de l'aldostérone, le gradient de concentration du K entre les cellules et la lumière tubulaires, le mouvement du K à travers les cellules principales du TCC.
Lorsqu'il existe un Gttk élevé en présence d'une hypokaliémie, deux mécanismes doivent être discutés.
Le premier est une réabsorption trop rapide du Na+ par rapport au Cl (chargé négativement) dans le TCC. Il s'ensuit une augmentation du gradient transépithélial avec une lumière tubulaire plus négative (à cause de la présence du chlore), ce qui favorise une sécrétion inappropriée de K et, donc, la fuite urinaire. L'hyperaldostéronisme crée cette situation en augmentant la réabsorption du Na+ au niveau du TCC.
Le deuxième mécanisme est à l'inverse une réabsorption trop lente du Cl par rapport au Na+, ce qui conduit à augmenter le gradient transépithélial et, donc, à favoriser également la sécrétion de K. Cette situation est celle des vomisseurs qui ont une augmentation de la bicarbonatémie (alcalose métabolique) et la présence d'une partie des bicarbonates filtrés au niveau du TCC. C'est la présence des bicarbonates qui inhibe la réabsorption du chlore dans le TCC. Les vomisseurs ne sont généralement pas hypertendus, plutôt déshydratés. C'est donc la clinique qui permet de distinguer ces deux situations en présence d'une hypokaliémie et d'un Gttk élevé.
Un patient hypokaliémique par une prise inavouée de diurétique aura un Gttk normal. La raison en est que le débit de l'urine primitive à travers le TCC est élevé sous diurétique et qu'il est facile de le vérifier en calculant ce débit par la formule suivante : OsmU/OsmS x diurèse (l/24 h). Il est donc important dans cette démarche diagnostique de bien connaître la diurèse des 24 heures du patient. Ainsi un débit dans le TCC > 2,5-3 l/24 heures avec un Gttk normal (de 6 à 12) permet d'évoquer la prise inavouée d'un diurétique lorsqu'il existe une hypokaliémie chronique.
Commentaire 2
L'association hypokaliémie avec Gttk élevé et HTA doit évoquer un hyperaldostéronisme.
Chez une femme jeune dont l'HTA est d'apparition récente, cette cause endocrinienne doit être d'emblée évoquée. Le scanner des glandes surrénales sera réalisé en présence d'un taux élevé d'aldostérone plasmatique et d'une activité rénine basse, à la recherche d'un adénome de Conn. L'hyperaldostéronisme secondaire à une sténose dysplasique ou athéromateuse de l'artère rénale est plus rare chez la femme de cet âge. Cette étiologie sera évoquée devant un taux d'aldostérone élevé associé à une activité rénine haute. Un Doppler des artères rénales (femme maigre) ou un angioscan (femme obèse) permet alors de reconnaître cette étiologie. Un hyperaldostéronisme secondaire peut également exister lors d'une prise inavouée de diurétique. C'est le Gttk normal qui permettra de rapporter cet hyperaldostéronisme secondaire à l'hypovolémie entretenue par la prise chronique du diurétique.
Service de néphrologie Centre hospitalier de Saint-Brieuc
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