PRATIQUE
De 0,5 à 1 % des adolescentes
L'anorexie mentale touche environ de 0,5 à 1 % des adolescentes dans les sociétés occidentales. La prévalence chez l'homme est dix fois moindre.
Il peut être facile de méconnaître longtemps cette affection. La jeune fille (plus rarement le jeune homme) ne va généralement pas mentionner ni avouer ses problèmes alimentaires. Elle est souvent amenée par ses parents, qui ne se seront généralement inquiétés que très tardivement. Cette méconnaissance de l'entourage est favorisée par la dissimulation des troubles par l'intéressée, qui évite les repas à la table familiale, se fait vomir en cachette chez elle ou à l'école, et porte des vêtements amples masquant la maigreur des poignets et des chevilles.
Souvent, la consultation ne va pas être demandée pour les troubles de l'alimentation, mais pour une affection associée (troubles digestifs, dépression). Il arrive même que le diagnostic soit fait à la faveur de soins donnés pour une affection intercurrente.
Perte de poids
Le symptôme cardinal de l'anorexie mentale est le refus de maintenir son poids à un niveau minimal normal pour l'âge et la taille. Le DSM-IV, manuel diagnostique de l'association américaine de psychiatrie, propose comme critère un poids inférieur à 85 % du poids moyen. L'évaluation la plus précise est le calcul de l'index de masse corporelle (IMC), en divisant le poids exprimé en kilos par le carré de la taille en mètres. Cet index étant un peu plus élevé chez l'homme et augmentant avec l'âge, il est interprété grâce à des tables qui indiquent la distribution de l'IMC de la population en fonction du sexe et de l'âge.
En pratique, il faudra s'inquiéter devant un sujet dont l'IMC est inférieur au 15e ou au 10e percentile de sa classe d'âge. A titre d'exemple, une étude allemande en 1996 situait le 10e percentile à 17 kg/m2 à 16 ans, et à 18 kg/m2 à 22 ans chez la femme. Mieux que les chiffres, la modification de la silhouette est évocatrice. Les formes féminines qui venaient de se développer avec la puberté disparaissent. Les seins fondent et le galbe des fesses est remplacé par la proéminence centrale de la crête sacrée.
Déni de la maigreur
Cette perte de poids prend toute sa signification quand elle est associée à une attitude mentale caractéristique, à des troubles de l'image du corps et du comportement alimentaire. L'entretien montre que l'anorexique méconnaît sa maigreur, la nie contre toute évidence. La perception fausse du poids a le caractère d'une conviction inébranlable, quasi délirante. Il est intéressant de demander à la patiente de se représenter sur une feuille de papier. Typiquement, elle va dessiner une silhouette enflée de façon grostesque au niveau du ventre ou des cuisses. Elle peut même commenter qu'elle évite la piscine pour échapper aux moqueries sur ses formes rebondies.
Vomissements
On distingue classiquement deux types de comportements anorexiques selon que le tableau se limite à une simple restriction des apports alimentaires, ou qu'il comporte des vomissements associés parfois à des épisodes boulimiques. Les vomissements sont provoqués peu après les repas et peuvent endommager l'émail dentaire. La perte de poids est aussi souvent recherchée par la pratique de sports à outrance. Comme s'en souviennent les visiteurs de la Hofburg à Vienne, la salle de gymnastique installée par l'impératrice Elisabeth remplissait probablement cette fonction.
Signes somatiques
Ils confirment le diagnostic. L'arrêt des règles, pendant au moins trois cycles consécutifs, est le signe le plus connu. Un phénomène singulier est le lanugo, sorte de duvet recherché lors de la consultation sur les bras, les épaules, la nuque et le visage. Cette hyperpilosité serait en rapport avec des perturbations de l'activité de l'enzyme 5-alpha-réductase, probablement liées à une hypothyroïdie. L'inspection de la peau et des phanères peut révéler aussi une fragilité des ongles, une alopécie, une sécrétion sébacée diminuée, une acrocyanose des doigts. L'intolérance au froid est fréquente et il arrive de voir des jeunes filles anorexiques se blottir sous leur pull en plein soleil. La mesure des signes vitaux peut montrer une bradycardie, une hypotension, une hypothermie.
La suspicion du diagnostic conduira à une investigation plus poussée des comportements alimentaires et des événements familiaux et personnels récents.
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