L'HYPOTHYROÏDIE fruste (HF) est souvent découverte lors d'examen demandés sur des signes d'appel isolés : hypercholestérolémie, crampes musculaires, syndrome du canal carpien, sécheresse cutanée, intolérance au froid, constipation, fatigue, syndrome dépressif... La sécheresse cutanée serait le symptôme le plus souvent décrit.
La définition de l'hypothyroïdie fruste est biologique, caractérisée par une élévation de la TSH supérieure à 4 MU/l. La thyroxine libre reste dans les limites de la normale. La prévalence de l'hypothyroïdie fruste est de 1 à 10 % selon la valeur seuil de TSH retenue. Elle est plus fréquente chez les femmes et tend à augmenter avec l'âge. Si l'on prend comme valeur seuil de TSH le chiffre de 6 MU/l, 7,5 % des femmes et 2,8 % des hommes sont concernés. Pour un seuil à 4 MU/l, on trouve 10 % de femmes de plus de 55 ans. La majorité des HF sont d'étiologie auto-immune : thyroïdite chronique de Hashimoto. Cette origine est particulièrement fréquente chez les femmes aux antécédents de thyroïdite du post-partum et en cas de pathologie auto-immune associée. D'autres origines possibles – traitement radical par l'iode, une thyroïdectomie partielle ou une radiothérapie externe – impliquent de faire un dosage annuel de TSH.
Certains auteurs préconisent de faire un dépistage systématique de l'hypothyroïdie chez la femme jeune.
Troubles de l'humeur, réduction de la tolérance à l'effort.
L'observation attentive d'un patient porteur d'une HF permet d'identifier des signes de l'hypothyroïdie franche : les troubles de l'humeur et le ralentissement intellectuel ; l'altération du fonctionnement musculaire, avec la réduction de la tolérance à l'effort ; l'augmentation de la fréquence cardiaque, du quotient respiratoire, des lactates et des pyruvates. Ces symptômes sont peu améliorés par le traitement substitutif par la L-thyroxine.
On retrouve aussi les paresthésies, les crampes, les douleurs, ainsi que les altérations des paramètres électromyographiques, qui, en revanche, sont réversibles sous hormonothérapie.
L'élévation du cholestérol total est un signe courant dans l'HF. Une élévation de 1 MU/l de la TSH entraîne une augmentation du cholestérol total de 0,09 mmol/l chez la femme et de 0,16 mmol/l chez l'homme. Et à l'inverse, il est intéressant de noter que l'HF est 2 ou 3 fois plus fréquente chez les sujets dyslipidémiques. La normalisation de la TSH par la L-thyroxine permet une amélioration des paramètres lipidiques.
L'athérosclérose est plus fréquente que dans la population générale. Les études montrent une augmentation du rapport intima/média de la carotide. Par ailleurs, des études échographiques révèlent des altérations mineures de la fonction cardiaque, qui se normalisent après traitement substitutif. Des anomalies de la fonction endothéliale et de l'élasticité vasculaire sont aussi observées. Le risque de réocclusion après angioplastie est plus important. Enfin, chez les femmes de 20 à 40 ans, on note une diminution significative de la capacité fibrinolytique, ce qui favorise une hypercoagulabilité.
Au rang des complications, on sait que le risque de développement d'une hypothyroïdie patente est proportionnel au titre des anticorps antithyroïdiens. Ainsi, l'incidence de l'hypothyroïdie est de 4,3 % par an chez les femmes si la TSH est supérieure à 2 MU/l. Par an, de 5 à 10 % des HF deviennent patentes. Le passage du stade infraclinique à l'hypothyroïdie patente est souvent lent, sur plusieurs années, mais il peut s'accélérer et il faut faire attention aux sujets âgés ayant des anticorps antithyroïdiens positifs. Les femmes enceintes aux antécédents de thyroïdite chronique auto-immune ont un risque plus important de développer pendant la grossesse une hypothyroïdie franche. Il faut savoir que ces grossesses sont associées à un plus grand risque de fausse couche spontanée et de prématurité. Le développement cérébrale et la croissance du foetus sont particulièrement dépendants de l'apport maternel en hormones thyroïdiennes au 1er trimestre. Dans certains cas, on peut observer une normalisation spontanée de la TSH, sans que rien ne le laisse prédire.
Le traitement de l'HF est controversé dans la littérature et ses indications varient d'un auteur à l'autre. Une substitution par la L-thyroxine est proposée en cas d'anticorps élevés ou de symptômes patents. On le propose aussi en cas de traitement par le lithium ou par l'amiodarone ou bien encore chez la femme enceinte et en cas d'infertilité ou de TSH supérieur à 10 MU/l. Si l'on dépiste une HF chez une jeune femme, il peut être licite de la traiter par thyroxine pour ramener la TSH dans les valeurs de la normale avant le grossesse. Au minimum, on pourrait recommander de vérifier sa persistance, avant ou au maximum en tout début de grossesse, et de mettre en route le traitement par thyroxine.
Pour d'autres, un essai thérapeutique est justifié au-delà de 4 MU/l. Le traitement est en revanche discuté chez les sujets très âgés et en cas de maladie coronaire, en adaptant la posologie en fonction de la valeur de la TSH.
Article rédigé avec l'aide du Pr Philippe Chanson (Bicêtre).
Lire le « Traité d'endocrinologie », de Philippe Chanson et Jacques Young, Editions Flammarion Médecine-Sciences.
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