Il est plus difficile de prévenir les conséquences sanitaires d’une vague de froid que d’une vague de chaleur. Tel est l’un des constats fait par l’Institut National de veille sanitaire dans une étude publiée mardi le Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH) sur « l’opportunité d’un système d’alerte » en cas de grand froid. Alors que selon les chiffres généralement admis, la canicule de 2003 a été responsable de 15 000 décès en plus, sur les vingt premiers jours d’août cet été-là, l’étude de l’Invs rappelle que les températures extrêmes d’hiver peuvent elles aussi s’avérer meurtrières : 6 000 décès en plus par rapport à la moyenne saisonnière sur les six premières semaines de 2009, et même 9 000 morts supplémentaires sur la première quinzaine de 1985. Durant ce dernier épisode record de froid depuis 1950, juste après l’hiver 1962-1963- on comptabilisa une surmortalité de 17 % pour les infarctus, 54 % pour les AVC et jusqu’à 208 % pour les pneumonies !
Les vagues de froids dont les conséquences sanitaires ont été étudiées peuvent donc être à l’origine d’une surmortalité de l’ordre de 13 à 14 % contre environ 50 % lors de la canicule de 2003. Citant des travaux européens réalisés sur la problématique température extérieure/mortalité, l’Invs rapporte qu’en deçà de 15° et au-delà de 25° la mortalité commence à augmenter doucement : « de façon plus importante dans les régions chaudes (2,15 % par degré Celsius en plus à Athènes) que dans les régions froides (0,29 % par degré en moins en Finlande du Nord), du fait de l’adaptation physiologique, des aménagements urbains et architecturaux, des comportements individuels spécifiques ou de l’utilisation de moyens de chauffage, » observent les auteurs.
Un système d’alerte complexe ne servirait à rien
On peut donc mieux se prémunir de la froidure que de la chaleur. Et c’est pour cette raison que l’Invs estime que la mise en place un système d’alerte complexe « froid et santé », fondée sur le suivi de données météorologiques et sanitaires ne servirait pas à grand-chose. Non que sa mise en place soit impossible : sur la base d’une étude à Paris et Marseille, l’Invs montre qu’il est « possible de développer des indicateurs biométéorologiques prédictifs de la mortalité et de proposer des seuils pour un excès de mortalité défini ». Mais l’Invs explique que cela « n’apporterait aucune plus-value de santé publique, dans le sens où il n’y a pas de mesures organisationnelles de protection sanitaire à prendre, contrairement à la canicule ». Pour l’Invs, le système de vigilance actuel, fondé sur la diffusion d’une carte de vigilance deux fois par jour suffit donc à prévenir la population en cas de grand froid.
L’Institut de veille sanitaire ne donne pas pour autant quitus aux pouvoirs publics. Il relève que la vulnérabilité au froid est avant tout une conséquence de la précarité économique. En effet, 6,2 % des ménages français (soit 1 578 000 ménages) considèrent ne pas avoir les moyens de garder leur logement chaud, 12,2 % affirment avoir de l’humidité et de la moisissure à l’intérieur et 6,4 % disent avoir été en impayés de facture durant les 12 derniers mois. Pour l’Invs, cette situation milite pour « des actions de nature sociale, concernant le chauffage, l’isolation et l’insalubrité de l’habitat ». Hormis concernant la population spécifique des SDF, ce sont ces actions de fond, qui, selon les experts de l’Invs, seraient donc les plus à même d’améliorer le bilan sanitaire en période hivernale.
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