« TOUT FAIRE POUR que l'hôpital ne soit pas pris d'assaut et que les services de réanimation ne soient pas victimes en 48 heures d'une thrombose nationale » : à la sortie du déjeuner de travail qui a réuni autour de Xavier Bertrand et du délégué interministériel chargé de la prévention de la pandémie aviaire, le Pr Didier Houssin, les représentants des directeurs d'établissement et de la conférence des présidents de CME de CHU et d'hôpital général, la formule du Pr Pierre Fuentes (conférence des présidents de comité médical d'établissement des centres hospitaliers universitaires), résume le souci majeur des pouvoirs publics et de leurs interlocuteurs. « Or, poursuit le Pr Fuentes, même si nous restons dans l'inconnue la plus totale sur la survenue ou non d'une épidémie, ainsi que sur son degré de virulence, le calcul est vite fait : 20 % des 60 millions de Français contaminés selon une hypothèse moyenne, compte tenu des habitudes prises depuis des années d'aller systématiquement consulter les urgences en cas de problème, cela risque d'entraîner la catastrophe. »
Des feuilles de route pour les professionnels de santé.
Il y a donc un consensus pour estimer que le maximum des patients devrait être pris en charge à domicile pour sauvegarder le bon fonctionnement hospitalier. Un tel mot d'ordre implique que les généralistes et les infectiologues soient tous mobilisés en ambulatoire. Les autres praticiens devraient quant à eux bénéficier d'une formation pour intervenir simultanément. « En fait, précise le Pr Fuentes, le plan nécessitera la mobilisation, via les préfectures et les sous-préfectures, de tous les professionnels de santé, avec l'établissement de feuilles de route distinctes pour chacun : hospitaliers, libéraux, infirmières, mais aussi assistantes sociales, instituteurs, professeurs. »
S'agissant des traitements antiviraux et des masques, les problèmes d'approvisionnement semblent à présent résolus, mais la question des distributions reste à régler, en particulier dans le circuit officinal mais aussi dans les écoles.
Conscients de l'enjeu du traitement libéral de la pandémie, l'Urml (union régionale des médecins libéraux) d'Ile-de-France, dont le président, le Dr Bernard Huynh, a rencontré le Pr Houssin, a décidé de constituer quatre groupes de travail : information des médecins et usagers, formation des médecins, distribution des moyens de protection et conditions de maintien à domicile des malades. L'Urml demande en particulier aux pouvoirs publics de mettre à la disposition des cabinets libéraux, et pas seulement des hôpitaux, le stock de prévention minimal de masques pour garantir la protection des soignants de première ligne (masques FFP2 et FFP3), ainsi que des premiers malades (masques FFP1).
Quant au volet hospitalier proprement dit, deux stratégies sont encore à l'étude : soit les moyens de lutte antipandémie seront concentrés dans des établissements tout entiers consacrés à la prise en charge de la grippe aviaire, soit sera partout mis en place un système de double secteur, pour que les patients grippés soient traités au sein de circuits isolés et sécurisés. A priori, c'est cette deuxième option qui semble devoir être retenue. Quitte à ce que, sur une durée pandémique qui pourrait atteindre huit à dix semaines, l'ensemble des activités programmées fassent l'objet d'un report, laissant le champ totalement libre à la prise en charge des patients grippés.
Face au territoire complètement inconnu que représente un tel scénario, le Pr Fuentes se félicite que « même si on peut toujours souhaiter un rythme plus rapide, la France ne figure pas aujourd'hui parmi les pays retardataires dans l'élaboration des mesures préventives. On est même dans le principe d'ultraprécaution, estime-t-il, et il faut se garder d'alimenter des réactions de peur parmi le public ».
Alors que le plan pandémie devrait faire l'objet d'une présentation actualisée avant les fêtes de fin d'année, l'accent semble donc mis sur la concertation entre le ministère et les diverses organisations médicales et hospitalières. L'Urml d'Ile-de-France réclame, « avant d'exposer les 25 000 praticiens concernés », la signature d' « un partenariat réel et respectueux ». Cet accord reposerait sur « la mise à disposition par les pouvoirs publics d'un système d'information électronique départemental sur la permanence des soins et la régulation des centres d'appel ; la mise en œuvre de cycles de formation ; la modélisation de kits de prise en charge (kit du médecin, kit du patient à domicile) et la réalisation de fiches de suivi en ville. »
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