Un passeport pour la longévité

Comment prévenir handicap et dépendance chez le sujet âgé ?

Publié le 22/04/2008
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DEPUIS 2005, la proportion de sujets de plus de 60 ans augmente exponentiellement en France. «C'est un signe de vieillissement de la population, mais aussi du bon état de santé de notre société», souligne le Pr Claude Jeandel. L'espérance de vie en santé (sans incapacité) augmente également. Cependant, cela ne veut pas dire qu'il n'est plus nécessaire de progresser, il reste encore beaucoup à faire pour réduire les morbidités chroniques en termes de handicap et de dépendance.

Le vieillissement a un caractère hétérogène et comporte de nombreuses variantes individuelles. Selon le Pr Jeandel, trois profils d'état de santé peuvent être définis :

– le vieillissement optimal (25 %) : le sujet garde la plénitude de ses capacités fonctionnelles ;

– le vieillissement usuel (50 %) : les capacités fonctionnelles se réduisent avec l'âge ;

– le vieillissement pathologique (25 %) : il concerne les sujets atteints de maladie chronique.

Selon le type de vieillissement, la réponse à apporter est différente. Education de santé et prévention dans le premier cas, repérage des facteurs de risque dans le deuxième et soins dans le dernier.

Les enquêtes déclaratives montrent que les patients âgés sont souvent pluripathologiques : maladies cardio-vasculaires, maladies ostéoarticulaires, diabète, hypoacousie, troubles du sommeil et de l'humeur, obésité ou dénutrition… Ces maladies incapacitantes rendent compte de l'augmentation de la dépendance avec l'âge qui est observée chez 2 % des sujets de 60 à 69 ans et chez 42,5 % des sujets de plus de 90 ans. Pour limiter handicap et dépendance, une politique de prévention et d'éducation santé est nécessaire. Elle doit donner la priorité à une approche globale incluant stimulation sensorielle, activité physique, stimulation cognitive, équilibre nutritionnel.

« La consultation de prévention à 70 ans ».

Issue de la loi de santé publique du 9 août 2004, ce projet était à l'origine de grands espoirs. «Malheureusement, le dépôt du projet par le groupe de travail en décembre 2006 a eu peu de suites», regrette le Pr François Piette (Ivry-sur-Seine).

La consultation de prévention à 70 ans cible les personnes dans leur 70e année en ALD ou non et exclut les patients en EHPAD qui ont déjà un suivi particulier. Elle est effectuée par le médecin traitant, avec une rémunération spécifique qui a été fixée avec les organismes payeurs à 2,5 C. Elle repose sur un autoquestionnaire et un dossier de consultation, et suppose un réseau de ressources locales d'aval pour prendre en charge les pathologies dépistées. Elle vise à regrouper toutes les informations médicales et environnementales afin d'établir un profil de santé aussi complet que possible pour un sujet donné.

Depuis la fin 2006, que s'est-il passé ? A la fin 2006, un prétest a été effectué en situation simulée avec 25 patients et 27 médecins généralistes par IPSOS Santé. Dans une deuxième phase achevée à la fin 2007, une étude de faisabilité réalisée avec 20 médecins et 80 patients en exercice normal en cabinet a confirmé l'utilité de cette consultation de prévention à 70 ans.

A ce jour, il reste à mettre en place la troisième phase d'expérimentation à l'échelon départemental, à définir un comité de pilotage et les modalités de formation des médecins, à obtenir l'accord des caisses et à préciser les modalités de médiatisation. «Cependant, précise, inquiet, le Pr Piette, nous attendons encore le calendrier de déploiement de ces différentes actions qui devait être publié au cours du premier trimestre 2008.»

Prévenir les chutes.

Les chutes sont responsables de 8 500 à 9 000 décès chez les personnes de plus de 65 ans, de 30 % des hospitalisations et de 40 % des entrées en institution. Le risque de récidive dans l'année pour une personne qui a chuté est multiplié par 20. La conséquence la plus grave est la fracture du col du fémur (entre 50 000 et 60 000 par an), suivie, dans 25 à 30 % des cas, d'un décès dans l'année. Enfin, «il ne faut pas oublier le préjudice psychologique causé par une chute. Un syndrome postchute est fréquent, il se traduit par une peur de tomber obsessionnelle qui induit un cercle vicieux, avec diminution de la mobilité, de la masse musculaire et de l'autonomie, qui favorise la survenue de nouvelles chutes», souligne le Pr Philippe Dejardin (Paris).

Les facteurs de risque de chute liés au vieillissement sont multiples : instabilité posturale, raideurs articulaires, ostéoporose, sarcopénie. Le vieillissement des organes sensoriels induit une diminution de l'acuité visuelle, de la sensibilité aux contrastes et de la récupération après éblouissement. La presbyvestibulie entraîne une baisse des réflexes. La diminution de fonctionnalité des organes effecteurs est cause d'une diminution de l'amplitude articulaire et de la force musculaire. Interviennent aussi des facteurs de risque médicaux non liés au vieillissement, des facteurs iatrogènes, environnementaux, et des facteurs fragilisants (choc psychologique, isolement social).

En juin 2005, l'INPES a défini les sujets à risque de chute qui pourraient bénéficier de tests simples de dépistage : > 80 ans, sujets ayant peur de tomber ou présentant des troubles de la marche et de l'équilibre, sujets prenant plus de quatre médicaments, sujets déficients visuels ou présentant des troubles cognitifs…

Les tests proposés – Up & Go (se lever d'une chaise, faire un demi-tour et s'asseoir en quatorze secondes), tenir sur une jambe au moins pendant cinq secondes – permettent de déterminer si le sujet est normal. Dans ce cas, l'exercice physique est suffisant. Si les sujets sont déjà tombés ou ont un test perturbé, un programme plus spécifique de prévention des chutes est préconisé. Des examens seront aussi effectués afin de détecter l'origine des troubles. Des essais ont démontré que les séances d'exercice sont efficaces, avec un gain variable selon les sujets. Un progrès peut être constaté, avec une diminution du nombre de chutes et une meilleure confiance en soi après trois à six mois, mais la régression est rapide si l'exercice est interrompu.

La prévention des chutes nécessite aussi d'agir sur les comportements, d'analyser la prise de médicaments, d'évaluer la richesse de l'alimentation en protéines et en calcium, la consommation d'alcool, de rechercher un état dépressif et de traiter tous les facteurs aggravants, et d'aménager l'environnement. Enfin, les récidives seront limitées par une approche psychologique et, insiste le Dr Dejardin, «il ne faut pas oublier que la chute peut avoir une autre signification: la chute appel, la chute délivrance ou la chute accident par refus de vieillir».

Session « Quelles stratégies de prévention chez le senior ? Ou comment prévenir handicap et dépendance chez le sujet âgé ? » présidée par le Pr Claude Jeandel (CHU Montpellier) et le Dr Jean-Pierre Aquino (clinique de la Porte-Verte, Versailles), avec la participation du Pr François Piette (hôpital Charles-Foix, Ivry-sur-Seine) et du Dr Philippe Dejardin (Paris).
Avec le soutien institutionnel de Pfizer.

> YVONNE EVRARD

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8359