« Jeunes : comment préserver l'avenir ? » La question posée en 1999 dans le cadre des états généraux de la santé, avait permis de recueillir les réponses des intéressés, dans le cadre de vingt-six manifestations et autres forums organisés à travers toute la France. La plupart des jeunes avaient souligné à cette occasion le décalage existant entre leurs propres perceptions et celles des adultes qui les entourent. Et ils avaient exprimé leur attente de réponses claires et de positions cohérentes. En voici une douzaine, formulées par le Pr Xavier Pommereau (unité médico-psychologique de l'adolescent et du jeune adulte, centre Abadie du CHU de Bordeaux), dans un rapport tout juste remis au ministre délégué à la Santé.
Des « orientations et actions à promouvoir » qui, souligne le clinicien, « ne prétendent pas refaire le monde et rouvrir des portes déjà ouvertes, mais qui passent en revue les actions déjà mises en œuvre ou recommandées et formulent quelques nouvelles propositions, en veillant à la cohérence et au réalisme ».
Permis de boire
Par exemple, au chapitre de l'usage des substances psychoactives, la consommation d'alcool. C'est le produit le plus précocement expérimenté par les jeunes (en moyenne à 13,6 ans chez les filles et 13,1 ans chez les garçons) ; parmi les 14-19 ans, 60 % déclarent boire occasionnellement et 10 % plus d'une fois par semaine.
Le Pr Pommereau constate qu'en raison des états d'ivresse qui s'ensuivent, on recense la nuit les quatre dixièmes des accidents mortels de circulation, alors que le trafic nocturne ne représente qu'un dixième du trafic total. Il propose donc de mener une campagne nationale afin que, localement, municipalités, associations et gérants d'établissements festifs mettent en place un dispositif de « navettes » gratuites les soirs et nuits de week-ends, pour relier les discothèques aux centre-villes. « Il faut arrêter de dire n'importe quoi », s'insurge-t-il, en réponse à ceux qui l'accusent de vouloir instaurer un « permis de boire » : « Il s'agit d'une mesure qui a été bien accueillie par les jeunes partout où elle a été expérimentée, et si l'on doit sauver ainsi une centaine de vies par an, pour un coût qui reste très raisonnable (avec une participation mixte des collectivités et des gérants d'établissements), c'est un progrès évident. »
Même approche réaliste pour la distribution des préservatifs. Le rapport Pommereau propose que soit pérennisée leur distribution gratuite dans les plannings familiaux en élargissant cette mesure aux pharmacies, sur présentation de la « carte jeune ». « On va, là encore, nous accuser d'incitation à la débauche,alors même que la nécessité de se protéger vis-à-vis du VIH/SIDA paraît moins intégrée chez les 18-24 ans qui, dans leur grande majorité, ont commencé leur vie sexuelle après 1996, date de l'arrivée des premières multithérapies. »
Les substances psychoactives interdites
Le rapport comporte aussi des mesures allant dans le sens de la fermeté. Ainsi, il n'hésite pas à demander l'interdiction à la vente de toute substance psychoactive aux mineurs de moins de 16 ans, pour retarder l'âge des premières consommations, la précocité de l'usage étant un facteur de risque. « Il faut observer un minimum de cohérence, plaide le Pr Pommereau, sous peine que les jeunes ne dénoncent les failles des règles des adultes. Il n'y a pas de raison que la vente d'alcool soit restreinte, et pas celle du tabac. »
Toujours dans cet esprit de mise en cohérence, il préconise le renforcement, dans les collèges, du respect de l'interdiction de fumer et/ou de consommer des substances psychoactives.
Au chapitre de l'hygiène alimentaire, le rapport, se fondant sur le programme nutrition-santé, propose d'encourager la consommation des fruits en les distribuant gratuitement dans les écoles. Mais il suggère aussi un étiquetage clair sur les teneurs en sels, sucres et graisses. Et comme on ne va pas interdire la fréquentation des fast-food, qui constituent « une nouvelle forme d'opposition aux valeurs adultes, avec la manifestation du refus de la table familiale », on peut astreindre ces établissements et les industriels de l'agroalimentaire en général à des seuils limites. Enfin, pour casser l'envolée de la courbe de la prévalence de l'obésité chez les jeunes, le rapport suggère la valorisation d'au moins un « sport-plaisir », en dehors de toute considération compétitive et l'amélioration des conditions pratiques urbaines dites parasportives (skate, roller, patinette).
Fort de sa pratique de psychiatre, le Pr Pommereau, demande en outre une grande enquête épidémiologique qui inclue la recherche et l'étude des signes de souffrance psychique. « Si certains troubles attirent immédiatement l'attention, souligne-t-il, d'autres (troubles anxio-dépressifs, troubles du sommeil, troubles des conduites alimentaires) tardent à être évalués et sont insuffisamment pris en charge par les professionnels de santé dits de première ligne (infirmières et médecins de santé scolaire, médecins généralistes et pharmaciens). »
A cet égard, la formation initiale et continue de ces professionnels doit être améliorée en ce qui concerne les signes précoces des souffrances psychiques. De nouveaux dispositifs de consultations spécialisées doivent être développés et la limite d'âge supérieure de la pédopsychiatrie doit être porté de 16 à 18 ans.
Autant d'orientations qui n'ont rien à voir avec les discours hygiénistes et moralisateurs que les jeunes ne supportent plus : « Les adultes ne peuvent plus se comporter comme des ayatollahs menaçant et traiter les jeunes en incapables et en ignorants, insiste Xavier Pommereau. Ceux-ci attendent de nous des règles cohérentes qui les contiennent. Mais contention ne signifie pas détention. »
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