PAR LES Drs PIERRE-YVES SANTIAGO, HELENE BRESSON-DUMONT*
LES PATIENTS glaucomateux nécessitent un traitement à vie et des contrôles ophtalmologiques réguliers pour préserver leur vision.
L'ophtalmologiste est ainsi confronté régulièrement au problème de l'adhésion de son patient au traitement prescrit. Des études ont rapporté des taux d'observance aux traitements chroniques au-delà de douze mois extrêmement variables, de moins de 25 % à plus de 70 %. Il est établi que le praticien ne peut prévoir correctement lors de l'examen quels sont les patients qui seront observants et ceux qui ne le seront pas. D'autant plus que l'effet blouse blanche est important avec une augmentation de l'observance dans les cinq jours qui précèdent une consultation médicale.
L'observance est d'autant plus difficile à obtenir dans le glaucome que la maladie est longtemps asymptomatique et que les traitements locaux ont souvent des effets secondaires non négligeables. Les patients sont donc souvent davantage gênés par les traitements que par la maladie. Six profils de patients ont pu être individualisés :
– adhésion parfaite ;
– adhésion presque parfaite, avec simplement une irrégularité dans le rythme des prises ;
– quelques omissions au cours de la période ;
– trois ou quatre périodes annuelles sans traitement ;
– périodes sans traitement fréquentes, mensuelles ;
– peu ou pas de traitement, mais donnant l'impression de se traiter.
Les causes de non-adhésion les plus fréquentes sont des omissions de distribution de dose ou l'allongement de l'intervalle entre deux prises plus souvent que l'augmentation du traitement prescrit. On retrouve aussi la notion d'un rapport inverse entre la fréquence d'instillation prescrite et l'observance. Les prescriptions ne comportant qu'une instillation par jour sont donc mieux suivies.
Les obstacles à la bonne observance d'une prescription sont extrêmement nombreux. Ils ont été sériés en quatre groupes :
– facteurs environnementaux et sociaux (voyages, événements majeurs, changement d'habitude, etc.) (49 %) ;
– facteurs liés au traitement (effets secondaires, complexité de l'ordonnance, latence au renouvellement de l'ordonnance) (32 %) ;
– facteurs liés au patient (motivation, mémoire, connaissance du traitement et de la maladie) (16 %) ;
– facteurs liés au prescripteur (insatisfaction, absence de communication) (3 %).
Facteurs environnementaux et sociaux.
Ils sont très importants dans le niveau d'adhésion au traitement. Outre les effets secondaires des traitements, l'état de dépression ou de tristesse, la population noire ou hispanique américaine par rapport à la population blanche, le fait d'être célibataire ou divorcé, le jeune âge ou la non-couverture par l'assurance- maladie sont des facteurs prédictifs indépendants de mauvaised'observance dans un modèle multifactoriel.
Facteurs liés au traitement.
Beaucoup de patients n'osent pas parler au praticien des problèmes de coût du traitement, lesquels sont rarement abordés par le médecin lui-même.
Le fait d'ajouter un deuxième médicament joue aussi beaucoup sur l'observance. Le délai avant renouvellement d'une ordonnance de traitement antiglaucomateux est plus long dans les cas où un deuxième traitement a été ajouté comparativement aux patients restés sous monothérapie. En cas d'ordonnance complexe (moyenne 3,8 médicaments), les patients suivant un planning personnel sont beaucoup plus observants que ceux se fiant à leur mémoire.
La difficulté d'instiller soi-même un collyre oculaire est importante chez les personnes âgées. La population glaucomateuse a souvent des comorbidités affectant leur état visuel, leur santé en général et leur bien-être.
Le traitement oculaire par une seule instillation quotidienne augmente l'observance et la satisfaction des patients. Les prescripteurs sont beaucoup plus convaincus que les patients eux-mêmes (92 % vs 60 %). Les associations fixes de collyres hypotonisants oculaires, permettant de réduire à un seul flacon une bithérapie, ont aussi bien amélioré l'observance.
On note également beaucoup de questionnement des patients à propos du traitement lui-même : inquiétude à propos de la dépendance, de la tolérance, des risques d'addiction éventuels, des effets à long terme, ou de la perte d'efficacité… D'une façon générale, les patients cherchent à se traiter avec le minimum de thérapeutique.
Facteurs liés au patient et au prescripteur.
L'éducation du patient est un problème crucial ; le praticien doit savoir se remettre en cause et faire l'effort nécessaire pour expliquer au patient de façon personnalisée l'importance du traitement et de son adhésion. L'intervention du pharmacien est aussi capitale pour sensibiliser le patient.
Dans la population glaucomateuse, les facteurs de satisfaction souvent retrouvés sont l'observance du traitement, la perception de son efficacité, un faible taux d'effets secondaires, sa facilité et sa commodité d'utilisation, l'acceptation de la maladie et la connaissance de la maladie glaucomateuse.
Avec l'âge, les facultés mentales peuvent décroître alors que généralement le nombre de traitements augmente, rendant plus difficile une bonne observance. D'autres facteurs jouent aussi, comme l'oubli de l'instillation, l'absence du domicile ou une grande activité.
Le prescripteur a un rôle majeur dans l'éducation du patient : explication de la pathologie et de l'importance du traitement. Il doit aussi dépister les patients qui ne pourront pas payer le traitement et qui n'en parleront généralement pas spontanément.
La communication est une des clés du problème.
Le patient doit avoir compris la pathologie et l'importance d'un traitement bien suivi, chronique avec des contrôles ophtalmologiques réguliers. Ces bilans sont capitaux pour vérifier la tolérance et le résultat du traitement, si besoin il faut adapter pour trouver le traitement le plus simple possible, en privilégiant les monothérapies ou les associations fixes, par exemple. Il faut bien vérifier que le patient sait parfaitement instiller les collyres. On peut préconiser, pour certains, la tenue d'un journal qui, en les responsabilisant, améliorera probablement l'observance. Il faut aussi être à l'écoute des problèmes économiques que peuvent rencontrer les patients et qui seront un frein majeur à la bonne prise en charge de leur pathologie.
* Département du glaucome, clinique Sourdille, Nantes.
Tsai JC. Medication adherence in glaucoma: approaches for optimizing patient compliance. Curr Opin Ophthalmol 2006;17:190-5. Review.
Schwartz GF. Compliance and persistency in glaucoma follow-up treatment. Curr Opin Ophthalmol 2005;16:114-21. Review.
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