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Comment opérer un patient numérique

Publié le 24/05/2010
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Aux rencontres Inria-industrie mi-avril, il fut beaucoup question de patients numériques. Mais aussi d’interopérabilité et de service aux patients. La médecine de demain s’invente aujourd’hui.

C’est à Bordeaux que se sont tenues mi-avril les Rencontres entre l’Inria (Institut national de recherche en informatique et automatique) et l’industrie. Et pour cause : l’antenne bordelaise de l’Inria est particulièrement versée dans l’informatique de santé. « Un quart de nos activités concerne la recherche dans le monde de la santé », précise un responsable de l’Inria. De fait, depuis 1994, l’Inria organise les Rencontres Inria-Industrie, pour présenter aux industriels les résultats de recherche dans un secteur donné. Et ce afin de favoriser le transfert de technologies et de compétences. À l’honneur, donc, la santé. Et plus particulièrement l’imagerie, qui rend possible un nouveau concept : le patient numérique. « Les images médicales sont au cœur du développement », prédit Nicolas Ayache, directeur de recherche à l’Inria. Foisonnantes, les images médicales, multiples (scanner, IRM, TEP, échographie…) sont multiparamétriques, et peuvent ainsi révéler des contrastes touchant les tissus, les liquides. « Actuellement, de nombreux outils informatiques nous permettent d’optimiser et d’exploiter les informations des images médicales, pour reconstruire le patient sous forme numérique », explique Nicolas Ayache. Objectif : grâce à la fusion d’images multimodales, le patient numérique personnalisé permet l’aide au diagnostic et à la thérapie. Exemple : la sclérose en plaques. Grâce à l’évolution virtuelle de la masse lésionnelle, rendue possible avec l’imagerie, il est possible de prédire la progression de cette pathologie pour un patient donné. Autre exemple : la neurochirurgie guidée par ordinateur. Expérimentée à l’Ircad, la superposition de l’image numérique du foie d’un patient sur l’image réelle du même patient, permet de guider l’aiguille qui extrait les tumeurs hépatiques (cf. schéma). C’est ce qu’il est convenu d’appeler la réalité augmentée. « La confrontation d’images médicales avec des modèles numériques du vivant permet de simuler l’évolution et d’aider au diagnostic », ajoute Nicolas Ayache. Et pour construire des modèles numériques, il faut savoir choisir les bons niveaux d’analyse : géométrique, biomécanique, physiopathologique. Parmi les applications possibles, les recherches évoluent vers un modèle numérique personnalisé du cœur. « L’utilisation du modèle personnalisé du cœur malade peut nous permettre de simuler une thérapie basée sur les pacemakers. » À la clé : un meilleur ciblage du traitement, et une réduction de 30 %, selon Nicolas Ayache, de la pose de pacemakers.

Contrôle glycémique

Au-delà de l’imagerie médicale, la recherche en informatique de santé s’intéresse également à la surveillance de patient. Ainsi, Michel Sorine, directeur de recherche à l’Inria, teste le contrôle glycémique assisté par ordinateur (CGAO) en partenariat avec la société LK2, et le centre hospitalier de Chartres. « Nous avons constaté une diminution de la mortalité de 8 % à 4,6 % », affirme Michel Sorine. Autre avantage de cette technique, qui permet un contrôle strict de la glycémie : elle s’effectue sans coût supplémentaire.

L’interopérabilité était aussi à l’honneur lors de ces Rencontres, et pour cause : simultanément avait lieu à Bordeaux le Connectathon, rencontre d’éditeurs venus tester l’interopérabilité de leurs solutions. « 200 ingénieurs, 70 sociétés, et 100 systèmes à tester », voilà, en chiffres, le Connectathon 2010, selon Éric Poiseau, ingénieur à l’Inria, et responsable de la plate-forme de tests Gazelle. « L’interopérabilité des systèmes d’information est capitale : elle permet de gérer le workflow et d’éviter la resaisie, de gérer la sécurité, et de réduire les coûts. » Problème ; de nombreuses solutions, jugées interopérables lors du Connectathon, ne communiquent plus entre elles sur le terrain, dans un système d’information hospitalier (SIH). « L’exhaustivité du test n’est pas possible », explique Éric Poiseau. Emmanuel Cordonnier, PDG de la société Etiam, a rappelé que l’avenir de l’informatique de santé réside dans la télémédecine. Monique Thonnat, directrice scientifique adjointe de l’Inria, comme pour lui donner raison, a présenté sa solution de service à la personne, qui permet le maintien à domicile de personnes âgées : Ger’home, qui combine analyse 4D de séquences vidéos et interprétation sémantique d'événements multicapteurs, permet de détecter, dans la vie quotidienne d’une personne sous télésurveillance, les situations dangereuses, et d’intervenir en temps et heure. La confidentialité de la personne sous télésurveillance est préservée grâce au remplacement du film de télésurveillance par un film en 4D, où la patiente est représentée sous la forme d’un avatar. Quand la réalité rattrape la fiction…

Jean-Bernard Gervais

Source : Décision Santé: 265