Comment naît une grève dure

Publié le 25/05/2003
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A l'invitation de l'Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (AMUHF) et de son président Patrick Pelloux, une quarantaine d'urgentistes hospitaliers d'Ile-de-France, de chefs de service et de responsables de syndicat de médecins hospitaliers se sont réunis jeudi dernier à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Ouverte à 19 heures, cette « grand-messe » à l'ordre du jour chargé durera trois heures.

Quand arrive la question des modalités de la journée d'action du 2 juin, les interventions des uns et des autres se multiplient. Certains redoutent qu'à cette date la colère des urgentistes soit noyée dans la masse des autres mouvements sociaux qui vont ponctuer le début du mois prochain, et la perspective d'une date plus proche est longuement évoquée, mais sans grand succès : entre les délais légaux d'un préavis de grève, le pont de l'Ascension, et les autres mouvements sociaux déjà prévus, la marge est étroite et la date du 2 juin reste finalement retenue.
C'est vers 20 h 30 que tout bascule, quand un intervenant dans le public prend la parole : « Ça fait des années qu'on nous roule dans la farine avec des promesses jamais tenues, et nous sommes coincés par l'obligation de maintenir une offre de soins même pendant une grève ». A ce moment, Christophe Prudhomme, responsable du collectif des médecins des SAMU d'Ile-de-France, lance : « Peut-être devrions-nous réfléchir à des actions plus radicales.... » Et l'idée d'une journée « urgences sinistrées », pour ne pas dire « urgences mortes », est mise sur la table par un urgentiste hospitalier qu'indigne la lenteur de la mise en œuvre des promesses gouvernementales.
Chacun mesure évidemment la portée d'une telle proposition, et un certain flottement se fait sentir dans l'assistance. Un chef de service d'urgences : « Je suis avec vous sur le principe, mais ne me demandez pas de refuser d'intervenir le 2 juin si un patient est en danger de mort, c'est une question d'éthique ». Un avis partagé par d'autres intervenants. Christophe Prudhomme reprend la parole : « Mettons-nous d'accord sur des modalités ; on envoie un préavis de grève pour le 2 juin, et on prévient les autorités de tutelle que, ce jour-là, personne ne viendra travailler. Si on est soudé, on assumera collectivement les éventuelles sanctions ». La question des médecins de garde la veille de la grève est évoquée : s'ils rentrent chez eux à la fin de leur garde, alors qu'ils ne sont pas remplacés, ne risquent-ils pas d'être accusés d'abandon de poste ? Et une bonne partie des urgentistes ne risque-t-elle pas de recevoir des assignations ?
A la première question, Patrick Pelloux répond de façon catégorique : « On n'a pas le droit de faire travailler les gens plus de 24 heures consécutives ». Mais la réponse à la deuxième est plus évasive : « Effectivement, rien n'empêche les autorités de procéder à des réquisitions et de nous accuser d'abandon de poste si nous n'y répondons pas favorablement ; mais les autorités seront prévenues dans les délais, et c'est à elles de mettre en place les mesures nécessaires. De toute façon, rien n'est sûr, et peut-être obtiendrons-nous gain de cause avant le 2 juin ».
21 h 45, l'heure de mettre aux voix ce projet de grève dure en Ile-de-France : sur environ 40 votants, aucune voix contre et seulement 3 abstentions : la grève dure « urgences sinistrées » du 2 juin est votée.

Henri de SAINT ROMAN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7341