IL EXISTE, au niveau du système nerveux central, des neurones excités par le glucose. On le sait de longue date. Ce qui est plus récent, c'est l'identification d'une classe de ces neurones au niveau de l'hypothalamus, les neurones POMC (pour pro-opiomélanocortine). On présume que l'excitation se produit via une fermeture des canaux potassiques de la membrane du corps cellulaire par un effet ATP dépendant (canal K-ATP).
Pour tester cette hypothèse, Laura Parton et coll. ont créé une souris transgénique dont les neurones POMC sont défectifs, porteurs d'une forme mutante du canal K-ATP. Ce canal K-ATP mutant est 250 fois moins sensible à la fermeture par l'ATP que sa forme normale. L'hypothèse est validée, car la réponse globale au glucose de cette population de souris transgéniques est altérée comparativement à des souris de type sauvage. «Une charge systémique en glucose provoque chez elles une altération de l'homéostasie du glucose, évaluée par le test intrapéritonéal de tolérance au glucose. Ce qui indique que les neurones POMC jouent un rôle de capteurs du glucose et qu'ils ont un rôle de pivot dans la physiologie générale du contrôle du glucose sanguin.»
Perdre leur propriété de capteurs.
Plus intéressant sur le plan de la pathogénie du diabète est le fait que les neurones POMC normaux peuvent perdre leur propriété de capteurs et donc de régulateurs lorsqu'ils sont mis dans certaines conditions, ce que montrent les auteurs.
Tout comme les cellules bêtapancréatiques, qui sont aussi des capteurs normaux du glucose, les POMC perdent leur sensibilité au cours du diabète de type 2.
Sur des souris normales soumises à un régime hyperlipidique et devenues obèses, les auteurs montrent, avec des moyens moléculaires et électrophysiologiques, que leurs cellules POMC hypothalamiques ont perdu leur sensibilité au glucose, qui n'exerce plus sur elles son pouvoir excitateur.
On sait que la sensibilité au glucose des cellules bêtapancréatiques est sous le contrôle négatif d'une protéine mitochondriale, UCP2 (Uncoupling Protein 2), qui réduit la libération de l'ATP du glucose. L'activité d'UCP2 est augmentée dans les modèles animaux de diabète de type 2, et l'on sait que cela a une influence sur la dysfonction des cellules bêta.
UCP2 est également exprimée au niveau du cerveau et notamment par les neurones POMC. La protéine UCP2 régule-t-elle la sensibilité au glucose des POMC, comme elle le fait dans les cellules bêta (régulation négative) ? Les auteurs l'ont évalué chez les souris soumises à un régime hypercalorique. Ils confirment cette hypothèse et notamment à l'aide d'une épreuve pharmacologique : une inhibition ciblée d'UCP2 permet une inversion ou une annulation de la perte de sensibilité au glucose.
A la suite d'une obésité.
«Ces observations, qui sont analogues à des découvertes antérieures au niveau des cellules bêtapancréatiques, indiquent qu'une augmentation de l'activité UCP2 est liée de manière causale à la perte de sensibilité au glucose des POMC à la suite d'une obésité.»
Plusieurs conclusions dérivent de ces observations, écrivent L. Parton et coll. D'abord, ils ont montré que la sensibilité au glucose des neurones POMC du cerveau joue un rôle important dans le contrôle de l'homéostasie du glucose au plan général. Ensuite que la sensibilité au glucose est perdue dans ces neurones en cas d'obésité liée à une surcharge alimentaire. Et que, enfin, UCP2 est impliquée dans cette perte de sensibilité au glucose, probablement par une diminution de la production d'ATP dans les neurones POMC.
Les POMC ne représentent qu'une fraction de l'ensemble des neurones excités par le glucose dans le cerveau : on connaît aussi des neurones MCH (ou Melanine-Concentrating Hormone dans l'hypothalamus latéral), des neurones présents dans l'hypothalamus ventromédian et des neurones du rhombencéphale. Le pool des neurones excités par le glucose est important. Ce qui fait dire à Parton et coll. : «Nous estimons que la perte de la sensibilité au glucose médiée par UCP2 dans les cellules excitées par le glucose pourrait représenter une composante importante de la pathogénie du diabète de type2.»
« Nature », édition avancée en ligne.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature