DEPUIS 1994, « Marie Claire », un des membres fondateurs de l'association Le cancer du sein, parlons-en, avec le groupe Estée Lauder-Clinique et NRB-Vaincre le cancer (Nouvelle Recherche biomédicale), milite en faveur du dépistage précoce et apporte son soutien à la recherche sur le cancer du sein. Chaque année, son numéro d'octobre apporte un éclairage particulier sur le combat livré contre une maladie qui touche près d'une femme sur huit en France. Une bataille symbolisée par un ruban rose et à laquelle se sont ralliés de nombreux autres partenaires. Après avoir donné la parole aux patientes, le magazine a choisi cette fois de recueillir le témoignage de praticiens. Le message : «Faire équipe avec son médecin pour mieux guérir». Qu'il soit chirurgien comme Daniel Zarca, cancérologue comme David Khayat ou chimiothérapeute et radiothérapeute comme Yves Otmezguine, ils ont été ébranlés lors d'une rencontre avec un patient. La perception de leur pratique en a été changée et ils ont surtout appris à mieux écouter. Le premier se rappelle cette consultation «longue et pénible» où il eut à révéler à sa patiente qui n'en était absolument pas informée le diagnostic de sa maladie et la thérapeutique la plus appropriée à son cas : une mastectomie. La lettre accusatrice reçue quelques jours plus tard l'avait mortifié : elle lui reprochait d'avoir choisi cette solution pour pouvoir gagner plus d'argent. L'histoire restée gravée dans sa mémoire l'a conduit à interroger sa propre réaction : il avait signifié par courrier à la patiente son refus de la prendre en charge et lui avait suggéré de contacter un confrère. Ce n'était peut-être pas la meilleure solution : «Qui de nous deux avait manqué à l'autre? La femme blessée et blessante ou le chirurgien sûr de la justesse de ses décisions?»«Confondant honneur et orgueil, j'avais figé son comportement et le mien par la solennité de mon courrier», reconnaît-il. Huit ans plus tard, confronté à la même situation – l'histoire avait bégayé et lui offrait une seconde chance –, il choisit cette fois de dialoguer, longuement. Il avait compris que l'agressivité, fréquente lors du premier entretien, n'était pas dirigée contre le praticien mais contre la maladie.
Une décision de traitement doit être partagée.
David Khayat, avant d'être médecin, a fait, lui, l'expérience de la maladie et de la souffrance. C'est donc en praticien averti et à l'écoute qu'il reçoit un jour Rachel, une patiente de 28 ans atteinte d'un cancer du sein de 7 cm. «A l'époque, avec un cancer de cette taille, sa probabilité de guérison était inférieure à 30%», se souvient-il. Jeune et belle, arborant un décolleté vertigineux, elle refuse pourtant l'ablation du sein. «Je préfère vivre moins longtemps et préserver ma poitrine», assène-t-elle fermement. L'équipe respecte ce choix et se contente d'une chimiothérapie suivie d'une tumorectomie. L'option thérapeutique n'est pas optimale. Le praticien tente en vain de convaincre sa patiente, puis se réfugie, pour se dédouaner de toute responsabilité, derrière la volonté clairement exprimée de sa patiente, inscrite en toutes lettres dans son dossier médical. Une attitude qu'il a du mal à tenir : «J'ai pris conscience de ma culpabilité. Pendant les trois mois qui ont précédé l'intervention, je n'ai pas trouvé le sommeil. Un jour, tout a basculé, et je lui ai fait part de ma décision: “A partir de maintenant, c'est moi qui vous dis de conserver votre sein, c'est moi qui porte le fardeau de cette décision. Ce risque je l'endosse”.» Sur son dossier, il rature les premières indications médicales, «quasi médico-légales». La patiente, toujours vivante, a aujourd'hui un enfant. «Grâce à elle, j'ai réalisé que la décision d'un traitement devait être partagée, et qu'une malade avait le droit de choisir son destin», résume-t-il.
Yves Otmezguine a aussi accepté le choix d'une de ses patientes, Aude, qui, après une mastectomie, a refusé une reconstruction mammaire. Il l'a revue récemment, en forme et «lumineuse». Il avoue : «Ce que j'envisageais comme une affreuse mutilation n'était pas pour elle un frein à la vie. Les soignants ne sont ni dieux ni maîtres, mais de simples outils à la disposition des patientes –qui sont libres de choisir leur traitement. Prendre conscience de cela change tout dans la relation médecin-malade.» Témoignages de trois médecins, mais aussi d'une psychologue, Claudia Bossi, et d'une infirmière, Annie Bisseret, qui tous rappellent qu'un parcours de soins est aussi un parcours de vie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature