De notre correspondante
ON PARLE toutes les langues au sein de l'hôpital très cosmopolite de Fourmies, dans le Nord. Depuis assez longtemps pour que les patients ne remarquent même pas l'accent prononcé de certains médecins, fraîchement arrivés en France.
Le 1er mai, le centre hospitalier a d'ailleurs fêté à sa façon l'Europe élargie en accueillant deux spécialistes venus des nouveaux Etats européens : une pédiatre lituanienne et un psychiatre polonais. Aujourd'hui, l'équipe compte dix nationalités différentes Et tous ces médecins étrangers recrutés par l'hôpital ont choisi de faire leur vie ici, dans cette petite ville de province. Le plus ancien, un obstétricien espagnol arrivé en 1991, est d'ailleurs toujours là.
Aux petits soins.
Il faut dire que la direction soigne particulièrement « ses » médecins étrangers. Il est vrai que, sans eux, le centre hospitalier risquait tout simplement de disparaître.
« Lorsque je suis arrivé en 1991, l'hôpital ne comptait que sept médecins, dont cinq étaient à un an de la retraite, se souvient le directeur, Philippe Legros. La maternité qui assurait 300 naissances par an fonctionnait avec un obstétricien de 64 ans à temps partiel. Sans recrutement, nous risquions la fermeture pure et simple. Dans un rayon d'une trentaine de kilomètres autour de Fourmies, cinq plateaux techniques ont d'ailleurs fermé en dix ans. »
Mais recruter des spécialistes dans une petite ville de 15 000 habitants, à 1 h 30 du premier centre hospitalier régional, et à une heure de toutes les villes importantes, relève du tour de force. « Impossible de faire venir ici des médecins français. Toutes mes petites annonces sont restées sans réponses », poursuit le directeur.
Par chance, le Dr Ignacio Lopez-Francos, obstétricien espagnol, venu faire un remplacement à la maternité, accepte de prendre la tête du service. Formé à Madrid, puis à l'Université catholique de Louvain, en Belgique, il bénéficie de l'équivalence de diplômes et prend ses fonctions en octobre 1991. Après lui, une vingtaine d'autres praticiens venus des quatre coins d'Europe, d'Amérique ou d'Afrique du Nord, suivront son exemple : belges, marocains, roumains, ukrainiens, moldaves, argentins, tous spécialistes dans leur pays et désireux de poursuivre leur carrière en France. Grâce à ces recrutements, le centre hospitalier a pu relancer petit à petit tous les services de l'hôpital : chirurgie digestive, néphrologie, radiologie, anesthésie, cardiologie, psychiatrie. Et l'activité est repartie fortement à la hausse : depuis 1991, le nombre d'hospitalisations a doublé, passant de 3 500 à 7 000, les urgences ont fait un bond de 4 000 à 13 000 entrées et les naissances ont été multipliées par trois. Entre-temps, l'hôpital a été doté d'un scanner et il espère ouvrir prochainement une unité de surveillance continue de 6 lits pour accueillir les patients en réanimation.
Quant à l'effectif médical, il est passé de 7 à 40.
Poste « tout compris ».
Ce redémarrage a été rendu possible par la politique d'embauche très volontariste de l'équipe dirigeante. « Pour faire venir dans une ville comme la nôtre des spécialistes étrangers, il faut proposer une arrivée clés en mains, insiste Philippe Legros, qui a dû jouer les chasseurs de têtes. L'hôpital s'occupe de tout : le logement, les inscriptions scolaires, les cours de français, la présentation de la ville à la famille. L'accueil est déterminant dans le choix des praticiens. Si nous leur proposons un poste intéressant et des facilités d'installation, ils sautent le pas. »
Une nouvelle vie.
Dernier à avoir rejoint l'équipe, Piotr Morawski a quitté son poste de directeur d'hôpital, à Gdansk, en Pologne, pour devenir chef du service de psychiatrie à Fourmies. A quarante-quatre ans, il commence une nouvelle vie dans ce petit coin de campagne nordiste, avec sa femme et ses deux enfants. « Je suis tombé sur une petite annonce dans un journal polonais proposant un poste en France. L'idée m'a immédiatement séduit, et je suis venu voir, d'abord seul, puis avec ma femme. J'ai eu plus de difficultés à convaincre mes enfants », raconte-t-il .
Violeta Peciulyte, jeune pédiatre lituanienne, est arrivée en même temps que lui. Chef du service de pédiatrie-oncologie du centre hospitalier universitaire de Vilnius, elle a tout quitté pour venir s'installer à Fourmies. Un projet professionnel intéressant, et la perspective de vivre en France, un pays qui la fait rêver. A 33 ans, cette pédiatre « n'a pas hésité une seconde ».
Philippe Legros pense déjà aux prochains recrutements. Il lui faudrait un anesthésiste et un urgentiste. Pourquoi ne pas se tourner vers la Roumanie, pays francophile qui rejoindra bientôt le bataillon européen ? Le directeur peaufine déjà les petites annonces qu'il diffusera là-bas, par le biais des ambassades. Sa méthode est aujourd'hui bien rodée, et l'idée d'ajouter une nationalité à sa longue liste de médecins étrangers n'est pas pour lui déplaire.
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