Notre connaissance de la cause des néphropathies héréditaires a considérablement progressé au cours des vingt dernières années. L'identification du (ou des) gène(s) responsable(s) d'une néphropathie héréditaire a des implications immédiates en termes de conseil génétique et de stratégie thérapeutique. Mais des retombées sont possibles au-delà de la néphropathie héréditaire elle-même.
Ainsi, il est essentiel de mieux comprendre les mécanismes de la protéinurie lorsqu'on connaît son rôle dans la progression des néphropathies. L'identification moléculaire récente de certains syndromes néphrotiques héréditaires rares a accéléré nos connaissances dans ce domaine. La barrière de filtration glomérulaire est un ensemble constitué, de dedans en dehors, par l'endothélium fenêtré, la membrane basale glomérulaire (MBG) et la cellule épithéliale ou podocyte, avec ses pédicelles s'arrimant à la MBG. On pensait encore récemment que la cause des syndromes néphrotiques siégeait dans la MBG : on incriminait notamment la neutralisation des charges négatives situées à sa surface. En 1998, le gène responsable d'un syndrome néphrotique rare transmis sur le mode autosomique récessif, le syndrome néphrotique finlandais, a été identifié. Ce gène code pour la néphrine, une protéine située dans le diaphragme de fente (mince membrane comblant les espaces séparant les pédicelles encore appelée « fente de filtration »). La précocité et la sévérité du syndrome néphrotique qu'entraîne la mutation du gène de la néphrine indiquent que son rôle est essentiel dans la fonction de la barrière de filtration. Deux ans plus tard, C. Antignac et son équipe (INSERM U423, Paris) ont découvert que le syndrome néphrotique corticorésistant, une autre néphropathie héréditaire rare également transmise sur le mode autosomique récessif, est dû à une mutation de la podocine. Cette protéine est également exprimée à la base des pédicelles et interagit directement avec la néphrine. Ces découvertes ont été le point de départ de l'identification d'une série d'autres protéines constitutives du cytosquelette des podocytes, dont l'altération pourrait rendre compte d'autres variétés de syndromes néphrotiques. L'une d'entre elles, l'alpha-actinine 4, est apparue comme étant la cause d'un syndrome néphrotique rare atteignant l'adulte, transmis selon le mode autosomique dominant.
Il apparaît qu'un certain nombre de syndromes néphrotiques apparemment sporadiques sont également dus à la mutation d'une de ces protéines. Ainsi, une étude récente a suggéré que 20 à 30 % des syndromes néphrotiques corticorésistants de l'enfant, apparemment sporadiques, seraient la conséquence d'une mutation de la podocine. On a également montré que de jeunes adultes atteints de syndromes néphrotiques étaient des « hétérozygotes composés », ayant simultanément une mutation hétérozygote de la néphrine (qui, à elle seule, ne donne pas de syndrome néphrotique) et un polymorphisme de la podocine, également à l'état hétérozygote.
Au-delà de l'hérédité mendélienne, on peut se demander si certains variants de ces gènes, à l'état hétérozygote, expliqueraient la susceptibilité de certains patients à des agents, exogènes ou endogènes, capables de léser le glomérule. Cela expliquerait, par exemple, pourquoi un petit nombre seulement de patients ayant une infection par le parvovirus ou par le VIH développent un syndrome néphrotique. D. Cordonnier et coll. (Grenoble) ont fait des observations intéressantes dans la néphropathie diabétique protéinurique. L'expression de la néphrine dans les diaphragmes de fente y est significativement réduite, et les IEC restaurent cette expression. Cela fournit une nouvelle hypothèse pour expliquer l'effet antiprotéinurique de ces médicaments.
Il y a d'autres exemples de néphropathie héréditaire ouvrant de nouvelles voies physiopathologiques, illustrées au cours des Journées de Nancy. Ainsi, la maladie de von Hippel-Lindau est une affection autosomique dominante rare qui se complique de carcinome rénal à cellules claires. Le gène responsable de cette maladie se révèle être muté dans 80 % des cas de carcinomes rénaux sporadiques. Cela permet donc de mieux comprendre la genèse de ce cancer.
L'équipe de G. Friedlander (INSERM U426, Paris) a identifié un gène codant pour un cotransporteur sodium-phosphate exprimé dans les cellules tubulaires proximales. Ses variants pourraient être impliqués dans une variété de lithiases urinaires calciques ainsi que dans certaines ostéoporoses.
Notre groupe a montré que le gène responsable d'une néphrite interstitielle autosomique dominante rare, caractérisée par une hyperuricémie précoce, code pour l'uromoduline, qui n'est autre que la protéine de Tamm-Horsfall, la protéine la plus abondante dans l'urine normale et dont, curieusement, le rôle physiologique est encore méconnu. Une nouvelle voie de recherche est dès lors ouverte grâce à cette maladie relativement confidentielle.
D'après un entretien avec le Pr Yves PIRSON, Bruxelles
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