DEPUIS le milieu des années 1980, le nombre des cas suspects de transmission de grippes aviaires à des mammifères ne cesse d'augmenter. Ce n'est qu'en 1997 que la preuve définitive de la transmission de ces virus à l'homme a pu être apportée. Au cours des 6 dernières années, des cas humains de grippe aviaire ont été signalés et ils auraient été en rapport avec au moins trois sous-types viraux : H5, H7 et H9. Afin de préciser le lien entre les infections aviaires et humaines, des vétérinaires chinois ont analysé 21 souches de virus grippal recueillies sur des canards d'élevage, apparemment sains, et provenant des provinces côtières de Chine continentale, entre 1999 et 2002.
Facteurs génétiques de virulence.
Dans un premier temps, les auteurs ont analysé le génome des 21 isolats. Ils ont ensuite inoculé les souches à des mammifères (poulets, souris et canards). De cette façon ils ont noté que les souches les plus virulentes pour les poulets et les souris étaient celles qui étaient dotées d'une gène codant pour la protéine PB2 de l'hémagglutinine. Parmi les autres facteurs génétiques de virulence, les auteurs retiennent le gène NS, impliqué dans les réactions cytokiniques de l'organisme infecté, et les gènes d'adhérence cellulaire. Les vétérinaires soulignent que « si les virus inoculés se sont montrés hautement pathogènes pour les souris et les poulets, aucun des canards inoculés n'a présenté de signes cliniques de maladie. Cette espèce pourrait donc représenter un réservoir de virus hautement transmissibles ».
Acquisition de nouveaux gènes.
Globalement, les auteurs considèrent que le degré de pathogénicité des virus grippaux aviaires s'est progressivement majoré avec le temps. Ils expliquent cette donnée par l'acquisition de nouveaux gènes spécifiques, par le biais de réassortiments avec le capital génétique d'autres virus grippaux inconnus ou connus - en particulier celui à l'origine des premiers cas de grippe aviaire à Hongkong en 1997.
Pour le Dr H Chen, « la majoration du degré de pathogénicité du virus pour les mammifères avec le temps pourrait s'expliquer par l'acquisition progressive au moment de l'infection de l'homme de gènes spécifiques. Néanmoins, il reste difficile d'expliquer comment, alors que les cas d'infections humaines restaient très rares, ces virus mutés ont pu à nouveau infecter des canards ».
L'autre possibilité évoquée par les auteurs passe par l'existence d'un réservoir animal de virus pouvant subir des mutations. C'est habituellement chez les porcs que de tels phénomènes se produisent. En Chine, il n'est pas rare que l'ensemble des animaux d'élevage se côtoient dans les fermes. Si, à l'heure actuelle, les vétérinaires ne disposent pas de la preuve directe de l'existence d'infections des porcs par les virus de grippe aviaire, des premiers prélèvements sérologiques ont montré l'existence de traces d'infections chez ces animaux.
« Notre travail prouve que les multiples génotypes du virus H5N1 sont dotés d'un potentiel pathogénique pour les mammifères. Il est maintenant évident que la composition génomique du virus H5N1 est en constante évolution, du moins sur le territoire asiatique. C'est pour cette raison, qu'une surveillance virologique rigoureuse doit être mise en place par des réseaux de vétérinaires et que le potentiel infectieux pour les mammifères de toute nouvelle souche virale doit être spécifiquement étudié », concluent les auteurs.
« Proceedings of the National Academy of Sciences », édition avancée en ligne.
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