PRÈS DE QUINZE ans après avoir constaté que les Européens meurent plus en hiver (étude MONICA 1999), l'origine de cette surmortalité reste encore mal connue. La courbe de décès par infarctus du myocarde en fonction de la température extérieure suit une forme de U. La mortalité est la plus faible lorsque l'atmosphère environnante est comprise entre 26 et 28 °C. Chaque fois que la température baisse de 1 °C, le risque d'infarctus croît de 2,8 %. Et lorsque la température s'abaisse brutalement de 10 °C, l'incidence des pathologies cardio-vasculaires est majorée de 13 %. En revanche, l'effet des températures élevées est plus limité. Il faut que la température augmente de 5 °C pour que l'impact en termes de décès d'origine cardio-vasculaire soit équivalent à une baisse de 1 °C.
Augmentation de la pression artérielle.
Différents facteurs pourraient influer sur cette donnée. D'une part, la pression artérielle augmente pour lutter contre le froid, et le rythme cardiaque est majoré. En outre, le volume plasmatique circulant diminue du fait d'une vasoconstriction cutanée relative liée au froid. Enfin, en hiver, l'incidence des pathologies inflammatoires, majoritairement d'origine infectieuse, est nettement majorée. La fièvre, associée à l'inflammation et à une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque, pourrait contribuer à déstabiliser les plaques d'athérome et entraîner leur rupture. Mais, à eux seuls, tous ces phénomènes ne peuvent expliquer la majoration de l'incidence des décès. C'est que d'autres facteurs interviennent. Les investigateurs de l'étude AIRGENE, coordonnés par le Dr Alexandra Schneider (Munich), ont suivi une autre piste. Leur hypothèse : le climat influe directement sur les marqueurs plasmatiques de l'inflammation, et, lorsque les taux de marqueurs augmentent chez un patient déjà fragilisé par l'existence d'autres facteurs de risque, il se produit un phénomène d'« empilement d'assiettes » qui conduit à la rupture de plaques d'athérome instables et à l'infarctus du myocarde.
Pour mener à bien leur travail, les chercheurs ont procédé à cinq à huit analyses sanguines entre mai 2003 et juillet 2004 chez 1 003 patients qui avaient souffert d'infarctus du myocarde et qui étaient en état clinique stable. Les patients ont été choisis dans six villes : Helsinki, Stockholm, Augsbourg, Rome, Barcelone et Athènes. Les deux tiers des prélèvements, 3 802 sur 5 813, ont été effectués au cours de la période hivernale. Pour limiter les biais physiologiques, les patients ne devaient pas présenter de signes d'infection ou de pathologie évolutive au moment des tests sanguins. En outre, l'effet éventuel des médicaments sur l'inflammation a été pris en compte. La quasi-totalité des patients inclus ont été traités par antithrombotiques et statines.
CRP, interleukine 6 et fibrinogène.
Lorsque la température baisse de 10 °C en cinq jours, le taux de CRP sanguin est majoré de 4,3 %, en moyenne. Celui d'interleukine 6 augmente, lui aussi, dans une moindre mesure (3,3 %), alors que le fibrinogène augmente dès le troisième jour, mais d'une valeur de 1,3 %. Chez les patients à risque, ces augmentations peuvent suffire pour déstabiliser les plaques athéromateuses et conduire à des lésions coronariennes. Tout se passe donc comme un empilement d'assiettes. La dernière qui se pose – l'inflammation physiologique en réponse au froid – peut suffire pour déstabiliser la pile qui, jusque-là, tenait en équilibre. L'équipe de chercheurs allemands n'a donc pas découvert le mécanisme unique de la majoration hivernale des infarctus, mais son travail contribue à mieux comprendre le lien entre la baisse brutale des températures et le risque cardio-vasculaire.
« Epidemiology », 2008, vol. 19, 3, 391-400.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature