D es chercheurs d'Atlanta (Emory Vaccine Research Center) viennent de découvrir que le principal facteur de virulence du bacille du charbon, le complexe protéique LT, agit sur l'organisme en inhibant l'activité des cellules dendritiques. Cette stratégie permettrait au bacille de se multiplier dans l'organisme en échappant au système immunitaire.
Le complexe LT comprend deux toxines : la protéine PA (facteur antigène protecteur) et le facteur LF (pour « Lethal Factor »). La protéine PA se fixe à des récepteurs ubiquitaires présents à la surface des cellules et permet l'entrée du facteur létal (LF) dans le cytoplasme. Une fois dans la cellule, le facteur LF agit en interrompant une voie de signalisation cellulaire majeure, la voie des MAP kinases.
Action sur les cellules dendritiques
Agrawal et coll. ont étudié l'action de la toxine LF sur les cellules présentatrices d'antigènes les plus efficaces du système immunitaire : les cellules dendritiques. Ces cellules jouent un rôle primordiale dans la mise en place d'une réponse immunitaire adaptative efficace après une infection, car elle permettent l'activation des lymphocytes T.
In vitro, dans des cellules murines en culture, puis in vivo chez la souris, les chercheurs ont montré que le facteur LF entraîne une diminution de la quantité de cytokines sécrétée par les cellules dendritiques. En outre, LF inhibe la production des molécules costimulatrices CD40, CD80 et CD86 essentielles à la mise en place d'une réponse immunitaire adaptative. Enfin, les cellules dendritiques ayant été en contact avec le facteur LF perdent la capacité d'activer des cellules T et B.
La toxine LF est donc capable, via son action sur les cellules présentatrices d'antigènes, d'empêcher la mise en place d'une réponse immunitaire après une infection de l'organisme par le bacille du charbon. Elle exerçait cette activité en clivant la partie N-terminale de certaines kinases (MEK) indispensables au fonctionnement normal des cellules dendritiques.
Cette découverte pourrait permettre le développement de nouveaux protocoles thérapeutiques contre le bacille du charbon. En outre, les propriétés de la toxine LF pourraient être utilisées pour réguler les réponses immunitaires délétères dans le cadre de maladies auto-immunes ou après une greffe. La récente élucidation de la structure tridimensionnelle de LF et de PA devrait contribuer à l'élaboration d'une telle stratégie.
A. Agrawal et coll., « Nature » du 17 juillet 2003, pp.329-334.
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