CELA pourrait ressembler à une histoire de pêche... Il y est question d'une forme recourbée, un peu comme un hameçon, et d'un leurre, un peu comme un ver. Mais les choses sont plus compliquées : il s'agit en effet de la découverte par des chercheurs du Cnrs et de l'Institut Pasteur de la façon dont le vibrion cholérique acquiert son caractère pathogène au contact d'un bactériophage, le virus CTX.
Il faut se souvenir que le vibrion cholérique ne peut produire de toxine qu'après sa rencontre avec ce bactériophage. Le génome du virus s'intègre à celui de la bactérie et chaque partie en tire un bénéfice. Le virus profite de la multiplication de son hôte pour se propager, le vibrion devient pathogène.
Marie-Eve Val et coll. ont mis en évidence le mode d'échange de matériel génétique entre les deux protagonistes.
Replier son ADN sur lui-même.
Le génome du vibrion cholérique se compose de chromosomes circulaires d'ADN double brin. Celui du bactériophage CTX d'un seul brin circulaire. Afin d'intégrer son génome à celui du vibrion, le virus va utiliser un leurre. Il va replier son ADN sur lui-même et créer l'illusion d'une « tige » (disent les chercheurs) d'ADN double brin. Cette tige imite le site d'action d'enzymes bactériennes spécialisées dans la recombinaison de l'ADN double brin. Les enzymes, dont le rôle est de maintenir l'intégrité du génome de la bactérie, sont capables d'échanger les extrémité de deux fragments d'ADN distincts (le « crossing over » ou croisement d'ADN).
C'est ici qu'intervient le leurre. Les enzymes, piégées par l'ADN viral replié, vont effectuer un « crossing over » avec le génome bactérien double brin. Le matériel génétique du bactériophage va s'intégrer dans l'un des brins d'ADN du vibrion. La bactérie va ensuite copier ce segment d'ADN viral sur l'autre brin, masquant la tige d'ADN viral à l'origine de la recombinaison.
Les chercheurs ont constaté que les enzymes bactériennes piégées par le virus ne pourront plus extraire la séquence génétique virale du génome bactérien : la mutation du vibrion est acquise à sens unique.
Les bactéries Gram négatif.
L'équipe française pense que ce mode d'intégration pourrait s'appliquer à d'autres agents susceptibles de parasiter des bactéries. Il pourrait leur conférer un caractère pathogène, comme ici, ou bien encore les conduire à l'antibiorésistance. Le mécanisme a d'ailleurs été constaté sur des bactéries Gram négatif. La découverte pourrait donc aboutir à de nouvelles voies thérapeutiques.
M.-E. Val, M. Bouvier, J. Campos, D. Sherratt, F. Cornet, D. Mazel et F.-X. Barre, « Molecular Cell », vol. 19, 1-8, 19 août 2005.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature