De notre correspondant
M ILLE huit cents médecins de soixante-quatre pays ont participé à Lyon durant trois jours au 12e Congrès de l'Association mondiale de médecine de catastrophe et d'urgence. Derrière ces journées riches en échanges (1), se pose la question d'un consensus mondial, toujours introuvable, dans les réponses aux catastrophes naturelles et aux crises sanitaires.
« L'aide médicale d'urgence sert trop souvent d'alibi aux pays riches qui ne veulent pas intervenir politiquement. Son vrai danger est qu'elle masque l'indifférence ». Invité d'honneur du congrès, Boutros Boutros Ghali, ancien secrétaire général de l'ONU, en a donné le ton dès l'ouverture. Car au-delà des dizaines de communications scientifiques, des expositions de matériels de toute nature et des démonstrations médico-techniques, le congrès de Lyon devait marquer, de l'aveu même de ses organisateurs, un tournant : l'ère des commandos de french doctors est révolue. Aux premiers soins d'urgence, « doivent impérativement succéder l'aide au retour des réfugiés, le déminage, le soutien de l'agriculture », a notamment martelé Boutros Boutros Ghali.
Autre symbole de l'évolution : c'est aussi la première fois depuis sa création en 1976 que l'association mondiale avait invité à son congrès les agences de l'ONU, le CICR, les principales ONG et l'Union européenne. Or, surprise : tout le monde a répondu présent. « Aujourd'hui, explique le Dr Abdelhamid Saïdi, cardiologue aux urgences du CHU de Lyon et directeur international de l'association, plus personne n'accepte l'anarchie qui règne encore dans la réponse d'urgence aux grandes catastrophes. Et notre association de médecins qui travaillent bénévolement à l'échange des savoirs entre pays riches et pauvres, à la recherche de consensus, commence à intéresser. La preuve ? Pour la première fois, en janvier, l'OMS, dont la mission n'est pourtant pas l'urgence, s'est tournée vers nous : nous allons lancer ensemble des programmes de formation spécialisée, d'abord dans les universités africaines ».
Une antenne par continent
Malgré la faiblesse de ses moyens (aucune subvention publique, quelques dons d'entreprises, de mécènes, et surtout, les cotisations de ses quatre cents membres), l'Association mondiale de médecine d'urgence a réussi à tisser depuis vingt-six ans « un réseau international d'information absolument sans équivalent » sur les protocoles de l'urgence dans toutes les situations, affirme avec passion son président, le Pr Steven Rottman, professeur de santé publique à Los Angeles. En s'appuyant sur un atout maître : l'indépendance. En « fédérant l'action d'urgentistes bénévoles du monde entier », elle n'a pas seulement prolongé l'utopie des anesthésistes-réanimateurs fondateurs de 1976, les Prs Wolfgang Dick (Mayence, Allemagne) et Peter Safar (Pittsburgh, Etats-Unis). Elle a contribué concrètement à « une élévation incontestable du niveau général des réponses fournies par tous les pays aux catastrophes et aux crises », insiste-t-il. L'association se fixe deux nouveaux objectifs pour les cinq prochaines années : parvenir à ce que chaque pays possède un correspondant permanent, à la fois « interlocuteur fiable reconnu par les pouvoirs publics » et capable de fédérer toutes les forces publiques et privées au niveau national en cas de catastrophe. Et bâtir des antennes - probablement une par continent - concentrant spécialistes et moyens d'intervention. La première pourrait être prochainement créée en Europe, avec le soutien de l'Union européenne.
(1) World Association for Disaster and Emergency Medecine (WADEM).
Outre le soutien d'une douzaine de sociétés savantes du monde entier spécialisées dans l'urgence, ce congrès était placé sous la double présidence du Pr Paul Petit, patron du SAMU de Lyon et président de la Fédération nationale des SAMU, et du Dr Xavier Emmanuelli, ancien secrétaire d'Etat à l'Action humanitaire.
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