Trois économistes de la santé, trois avis divergents sur l’avenir des investissements publics à l’hôpital. Voilà qui illustre l’incertitude et les craintes entourant la question, pourtant cruciale en ces heures de disette économique. Ainsi, malgré le déficit qui se creuse, la croissance nulle sur fond d’austérité budgétaire et de baisses de dépenses publiques, Jean-Christophe Briant, directeur d’études au cabinet Xerfi, estime que l’hôpital doit et va continuer à investir dans les regroupements et les systèmes d’information. « Parce que leur socle réglementaire est désormais commun, l’enjeu du public est de copier le privé. Beaucoup reste à faire. D’autant que se développent des activités hors les murs, avec l’hospitalisation à domicile, la e-santé, les maisons de santé. Elles permettent de désengorger les hôpitaux et ainsi de rationaliser le cœur même de l’hôpital, à savoir les plateaux techniques et les urgences ». L’objectif est de mettre en place mutualisations, synergies et externalisation des ressources (cloud) pour réaliser des économies d’échelle. L’enjeu consiste à rentrer dans une logique d’efficience, et aussi à créer plus de mobilité au sein des établissements. Mais cette réorientation ne se fera que grâce à la révolution de l’informatique à l’hôpital. Celle-ci fera émerger une véritable « stratégie informatique », influant directement la politique d’établissement. Encore faudra-t-il, relève Jean-Christophe Briant, « avoir le courage politique d’aller à l’encontre d’une austérité, pour être plus efficient, faire des économies et gagner de l’argent demain ».
Choix de société
Mais le courage politique pèse peu lorsque les bourses sont vides, résume, pragmatique, le professeur Gérard Duru, économiste, ancien président de la Société française d’économie de la santé. Lequel estime que toutes les opérations seront, dans un avenir proche, réduites à peau de chagrin. Et les promesses actuelles finiront probablement aux oubliettes. « Au regard de la situation de la France et de ses déficits abyssaux, je ne crois pas aux projets prévus dans la loi de Santé. Cessons de se gargariser de mots. Les seuls investissements à venir consisteront à maintenir la sécurité dans les hôpitaux, comme le désamiantage par exemple. Si l’hôpital public veut investir, il doit d’abord rembourser ses dettes. Puis ses marges de manœuvre dépendront de choix de société, comme la baisse des indemnités de chômage ou encore la baisse des remboursements par l’assurance maladie. » Et le professeur de prendre pour exemple la fermeture, en 2015, du réacteur expérimental Osiris de Saclay, en Essonne. Cette centrale produit notamment un isotope spécifique servant à la médecine nucléaire, utilisée dans des techniques d’imagerie pour diagnostiquer certaines pathologies. « Bien sûr qu’il faut protéger l’environnement. Mais ces mesures ont un impact direct sur notre système de santé déjà exsangue. »
Mieux évaluer les besoins et les coûts pour repenser l’hôpital
Au-delà des constats et des projections – plus ou moins optimistes ou alarmistes – l’urgence est surtout, estime pour sa part Lise Rochaix, professeur à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et membre de Paris School of Economics (PSE), d’améliorer les outils d’évaluation et de mesure, pour « avoir une vision globale des investissements prioritaires à engager et des éventuels gains de productivité à réaliser ». Les systèmes d’information représentent, en cela, un facteur d’avancée majeure pour l’hôpital. La commission sur l’open-data permettra ainsi d’améliorer l’accès à des données. Le patient sera alors suivi dans son parcours, de l’hôpital à la ville. L’objectif est de mieux identifier les ruptures qui sont sources de non-qualité et d’inefficacité. La logique d’évaluation prospective et de transparence sur les investissements publics est en marche, se réjouit Lise Rochaix. Un décret de décembre 2013 [1] oblige en effet à réaliser une évaluation socio-économique, mettant en regard les bénéfices et les coûts, pour tout investissement public dépassant 100 millions d’euros. Autre projet allant dans le sens de cette philosophie de l’évaluation : la création, en juillet dernier, par l’AP-HP et PSE, d’ « Hospinnomics », une chaire en économie de la santé centrée sur l’innovation à l’hôpital et visant à éclairer les choix des décideurs.
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