De notre envoyé spécial à Trollhättan (Suède)
C HAQUE accident de la route étant unique, les tests effectués en laboratoire avec des mannequins se révèlent incapables de simuler tous les scénarios possibles.
Forte de ce constat, la marque automobile suédoise Saab, qui a construit l'essentiel de sa réputation sur la fiabilité, a accumulé depuis trente ans une base de données de plus de 6 000 accidents graves survenus sur les routes suédoises. L'objectif de ces enquêtes est d'étudier, en situation réelle, tous les types de collision (frontale, par l'arrière et latérale), les dégâts subis par les voitures et, surtout, les dommages corporels provoqués. C'est ici qu'interviennent les experts médicaux de Saab, un généraliste et un orthopédiste notamment, qui, de manière totalement confidentielle, réunissent toutes les informations sur les symptômes, lésions et fractures des victimes, examinent les dossiers médicaux des personnes accidentées et tentent ensuite d'éclairer les ingénieurs-concepteurs et spécialistes en matière de sécurité sur d'éventuels perfectionnements pour de futurs modèles de voitures. « Nous nous demandons pourquoi les gens meurent dans les accidents, explique froidement Per Örtenwall, chef du service de traumatologie de l'hôpital de Göteborg, qui intervient en tant qu'expert médical dans l'équipe d'enquête de Saab. Il y a les blessures au cerveau, les blessures dans la cage thoracique au niveau du cur et de l'aorte et, souvent aussi, des combinaisons de blessures sur des organes abdominaux vulnérables comme le foie ou la rate qui causent des hémorragies mortelles. A partir de ces constats, on travaille pour améliorer la sécurité des voitures sur les points les plus sensibles... »
Moins de séquelles graves
Le célèbre coup du lapin par exemple, qui est sans doute le type de dommage corporel le plus fréquent dans les accidents de la route, a fait l'objet d'une enquête spécifique de la part de Saab, à la fois technique et médicale. Les ingénieurs ont ensuite mis au point (depuis 1997) un système unique d'appui-tête « actif » qui, selon une étude portant sur des accidents réels, réduit de 75 % les séquelles graves du coup du lapin mais également les douleurs lombaires constatées par les médecins. En cas de collision par l'arrière, cet appui-tête actif est repoussé vers le haut et vers l'avant, ce qui permet de limiter le mouvement de la tête et de la nuque par rapport au tronc. Dans le même registre, Saab développe actuellement un double système de ceintures de sécurité pour éviter que le corps humain, mal maintenu, ne glisse hors de la ceinture dans le cas de certains impacts latéraux ou obliques (avec ce système, une deuxième sangle vient croiser la première au niveau de la poitrine et le corps est totalement plaqué au siège par les deux courroies en cas de choc). « Nous espérons ainsi réduire le risque de dommages corporels, notamment en cas de tonneaux rapides », précise un expert médical de Saab.
Protéger la tête et le thorax
Les divers éléments de l'habitacle sont également optimisés en fonction des conclusions médicales. « La carrosserie d'un modèle doit subir une déformation prévisible en cas d'impact violent de manière à répartir efficacement l'énergie déployée au moment du choc », résume un ingénieur de la marque suédoise.
Le pilier « milieu » (B) des derniers modèles de Saab a fait l'objet d'une attention particulière afin d'absorber « intelligemment » les collisions latérales. Sur le conseil des experts médicaux, les concepteurs ont mis au point un pilier milieu dont les différentes parties n'ont pas la même élasticité : de ce fait, en cas de choc latéral violent, ce pilier se comporte comme un pendule autour de son point d'attache, au lieu de faire brutalement intrusion dans l'habitacle. Au moment du choc, seule une partie du pilier bascule vers l'intérieur de la voiture au niveau de la zone pelvienne, la plus résistante du corps humain.
Selon Saab, « cela réduit les risques de lésion au niveau d'autres parties plus vulnérables comme la cage thoracique ou la tête ». Les airbags latéraux sont également destinés à protéger la tête et le thorax, parties du corps les plus exposées. En cas de choc, ils se gonflent en deux étapes successives : d'abord la chambre inférieure (pour le thorax), puis, quelques millisecondes après, la chambre supérieure (pour la tête). « Là encore, il s'agit de dissiper l'énergie du choc de la manière la plus efficace possible, explique Per Örtenwall . Aujourd'hui les conducteurs et passagers survivent à des impacts auxquels ils n'auraient pas survécu il y a trente ans. »
D'ailleurs, Saab ne fait pas uniquement appel à des médecins pour rendre ses voitures plus sûres. La marque scandinave a utilisé les services d'un responsable des tests « cockpit » de l'armée de l'air suédoise. « Le tableau de bord d'une voiture a beaucoup de similitudes avec celui d'un avion, explique-t-il . Les indications doivent être simples, sans surenchère visuelle, logiquement disposées et accessibles ».
Objectif zéro mort sur la route
C'est en 1997 que le Parlement suédois a voté un projet de loi du gouvernement stipulant que tous les efforts consentis en matière de sécurité routière devaient désormais être fondés sur le concept « Vision Zero » (pour zéro mort sur la route).
Cette approche typiquement scandinave, qui vise à éviter le préjudice humain le plus grave, consiste à considérer la circulation routière comme une interaction permanente entre des personnes qui conduisent, des voitures et des routes.
Chaque défaut du système doit être combattu, ce qui signifie en particulier que les voies, la signalisation, les carrefours et, bien sûr, les nouveaux modèles de voitures doivent être conçus pour empêcher que l'erreur humaine n'entraîne des accidents causant des morts et des blessés graves.
C'est dans ce contexte qu'une première expérimentation nationale appelée « En route to vision zero» est menée à Trollhättan, siège de Saab Automobile, à 80 km au nord de Göteborg. Un circuit spécifique « sécurisé » a été tracé dans la ville (avec des ronds-points, des limitations de vitesse drastiques, une signalisation plus claire au sol, des espaces réservés aux cyclistes...) et sur les routes nationales environnantes et chacun peut tester des Saab spécialement équipées dans le cadre de « Vision Zero ». Ces prototypes ont notamment un système de verrouillage lorsqu'on prend le volant en état d'ivresse et une technologie satellite surprenante qui empêche le conducteur d'accélérer lorsque la vitesse limite est atteinte (la pédale d'accélérateur se durcit).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature