DE NOTRE CORRESPONDANTE
PRES DE QUATRE FEMMES SUR DIX sont fumeuses avant la grossesse et près de une femme sur cinq continue à fumer jusqu'à l'accouchement. De nombreuses actions sont engagées pour inciter et aider au sevrage de la population en général et des femmes enceintes en particulier et s'inscrivent aussi dans le plan Cancer. Des mesures d'incitation au respect de la loi Evin et un dispositif de sensibilisation du grand public ont également été mis en œuvre.
Mais le rôle des professionnels de santé est essentiel pour aider les femmes enceintes à arrêter de fumer, à condition de donner l'exemple. Or, dans ce domaine, il y a encore beaucoup à faire. A la Fédération hospitalière de France, Marie-France Wittman s'inquiète du nombre grandissant de fumeurs parmi les soignants. Le personnel paramédical, composé essentiellement de femmes, devient de plus en plus dépendant du tabac : une addiction sans doute liée aux conditions de travail difficiles. Mais, outre les risques du tabagisme sur la santé des soignants, cette dépendance paraît un frein important pour crédibiliser un message d'abstinence auprès des femmes enceintes.
Ils ne donnent pas l'exemple.
La conférence de consensus de 1998 sur le tabac en 1998 a certes modifié les mentalités à l'hôpital, note le Pr Bertrand Dautzenberg. Les infirmières et les sages-femmes ont un enseignement de six heures sur les risques du tabagisme. Pourtant, alors que l'on observe une tendance à la baisse de la consommation de tabac chez les jeunes, et chez les femmes en particulier, la population médicale, a priori mieux informée sur les risques, est l'une des plus dépendantes du tabac. En Ile-de-France, selon une enquête récente, 44 % des élèves infirmières, 41 % des sages-femmes et 17 % des étudiants en première année de médecine fument régulièrement. Quant aux médecins, 29 % avouent fumer régulièrement.
Pour Gérard Barsacq, directeur d'hôpital et secrétaire général du réseau Hôpital sans tabac, l'enjeu est l'addiction, quelle quelle soit. Militant pour une maternité sans tabac, il s'étonne que seulement un quart des maternités aient ce label. « Aujourd'hui, un tiers des maternités possèdent un fumoir ! Or toutes les maternités doivent être des espaces strictement non fumeurs. Ce sera une condition pour l'accréditation. Des actions d'information et de formation doivent permettre de diffuser le message de prévention pour tous les personnels qui travaillent en périnatalité. L'ARH a un rôle à jouer dans ces actions. »
Le Pr Dominique Dallay, président du réseau périnatalité d'Aquitaine, souligne le soutien apporté par les instances institutionnelles pour faire du CHU de Bordeaux un hôpital sans tabac, espérant motiver les soignants.
La mise en place d'analyseurs de monoxyde de carbone (CO) dans l'air expiré dans les services est un bon outil de motivation pour les femmes enceintes et peut aider aussi les professionnels à renforcer leur motivation d'arrêt du tabac.
Eduquer et informer les patientes.
L'éducation est aussi un élément prioritaire. Pour G. Barsaq, il faut revenir au concept d'éducation sanitaire et le développer dans les services de gynécologie-obstétrique, c'est-à-dire prévoir dans ces services un poste dévolu à la promotion de la santé : une fonction occupée à tour de rôle par les soignants, qui reçoivent une formation de ce type dans les écoles de sages-femmes.
Les consultations prénatales sont le moment idéal pour aider au sevrage. Un entretien prénatal avec un professionnel de santé doit être généralisé au premier trimestre de la grossesse afin de proposer une solution concrète à l'arrêt du tabac et le tabagisme doit être noté sur le carnet de santé.
L'intérêt de la présence d'un tabacologue dans la maternité est indiscutable, car près de 60 % des femmes demandent une aide au sevrage. Enfin, les substituts nicotiniques doivent être remboursés pour le personnel hospitalier comme pour les femmes enceintes dans le cadre de la CMU.
Outre les maternités, l'effort doit porter sur les services de néonatalogie et de pédiatrie, strictement sans tabac.
C'est grâce à une approche globale de toutes addictions (drogue, tabac, alcool), dès la première consultation prénatale, avec des professionnels formés et capables de tenir un discours empathique pour motiver les femmes et les accompagner dans leur démarche, que le tabagisme des futures mères diminuera.
Mais cette démarche doit s'inscrire dans un environnement sans tabac qui implique un effort particulier des professions de santé pour réduire leur tabagisme, car, comme l'affirme le Pr Albert Hirsch, vice-président de la Ligue contre le cancer, « seul un contexte général de lutte intensive contre le tabagisme sur tous les fronts peut faire évoluer les mentalités ».
« Le Quotidien » encourage la lutte contre le tabac
Le Dr Gérard Kouchner, P-DG du « Quotidien du médecin », a remis au cours de ces journées le prix Ifso (Institut de formation de soins infirmiers) et Sage-femme Bande dessinée 2005 « Femme vie sans tabac », à deux élèves infirmière et sage-femme : Aude Bristaud (Clermont-Ferrand) et Séverine Kaboul (Provins) pour la réalisation de quatre planches de bande dessinée.
Ce prix, parrainé par « le Quotidien », illustre le rôle essentiel de la communication dans ce domaine et l'implication croissante du journal dans la lutte antitabac, réaffirmée par Gérard Kouchner.
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