PRESQUE LA MOITIE de la population mondiale est infectée par H. pylori, bactérie (gram négatif) qui colonise la surface de l'estomac. Tandis que la majorité des personnes reste asymptomatique, une minorité développe une maladie gastro-intestinale sévère. Cette sévérité semble être influencée à la fois par des facteurs de l'hôte et des facteurs bactériens.
On savait que seules certaines souches de Helicobacter pylori sont capables de déclencher une réponse pro-inflammatoire dans les cellules épithéliales gastriques. Ces souches contiennent toutes l'îlot de pathogénicité « cag » et sont associées au développement de formes plus sévères de maladies gastro-intestinales (inflammation gastrique sévère, ulcères et risque accru de cancer gastrique) dans les populations occidentales.
Les îlots de pathogénicité représentent des groupements de gènes, trouvés sur certaines bactéries, qui codent pour des facteurs de virulence. L'îlot de pathogénicité « cag », composé de 30 gènes, code un système de sécrétion type IV capable de délivrer dans les cellules hôtes au moins une protéine appelée cagA. Toutefois, cette protéine n'intervient pas dans le déclenchement de la réponse pro-inflammatoire.
Jusqu'ici, on ignorait donc comment H. pylori, une bactérie extracellulaire non invasive, utilisait son îlot de pathogénicité pour induire la réponse pro-inflammatoire dans les cellules épithéliales.
Une équipe composée en grande partie de chercheurs de l'Institut Pasteur (Paris) a maintenant élucidé le mécanisme.
La reconnaissance des souches pathogènes.
Les chercheurs ont montré que les souches pathogènes cag+ sont reconnues par les cellules épithéliales grâce à la protéine intracellulaire Nod1.
Nod1 avait précédemment été identifiée par les chercheurs comme une importante molécule de reconnaissance, dans les cellules hôtes, des bactéries gram négatif invasives (par ex. Shigella), reconnaissant spécifiquement le peptidoglycan, un composant de la paroi bactérienne.
L'équipe démontre que cette reconnaissance de H. pylori par Nod1 dépend de l'injection du peptidoglycan dans les cellules hôtes par le système de sécrétion type IV (codé par l'îlot de pathogénicité cag). Cette reconnaissance du peptidoglycan de H. pylori par Nod1 déclenche une réponse inflammatoire dans les cellules épithéliales.
De plus, Nod1 joue bien un rôle in vivo dans la défense de l'hôte contre les souches H. pylori cag+. En effet, des souris déficientes en Nod1 se révèlent plus susceptibles à l'infection par les souches pathogènes cag+, comparées aux souris normales. Probablement parce que ces souris déficientes en Nod1 se révèlent moins aptes à déclencher des réponses pro-inflammatoires contre la bactérie.
Des implications cliniques.
Ces résultats ont des implications cliniques. « Nod1 pourrait contribuer à la susceptibilité de l'hôte envers l'infection par H. pylori , ainsi qu'aux manifestations sévères de ces infections », déclare au « Quotidien » le Dr Richard Ferrero qui a dirigé ce travail (unité de pathogénie bactérienne des muqueuses, Institut Pasteur et maintenant à l'université Monash, Victoria, Australie).
Plus généralement, la détection de H. pylori par Nod1, proposent les chercheurs, pourrait représenter un modèle de reconnaissance des organismes pathogènes non invasifs. « Ce travail montre comment les cellules épithéliales peuvent répondre à une agression d'une bactérie pathogène non invasive - à travers une reconnaissance intracellulaire d'un composant bactérien. En d'autres termes, le système immun de l'hôte ne détecte pas toute la bactérie (ce qui se passe en général avec les bactéries invasives), mais répond plutôt à un composant de la bactérie. Cela pourrait s'appliquer à d'autres bactéries gram négatif non invasives. De plus, cela peut expliquer comment les cellules hôtes peuvent distinguer les germes pathogènes des germes commensaux. »
« Nature Immunology », 17 octobre 2004, DOI : 10.1038/ni1131.
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