De notre correspondante
à New York
« C'est un grand pas en avant », commente le microbiologiste cellulaire Brett Finlay de l'université British Columbia à Vancouver.
Si la majorité des bactéries pathogènes ont été identifiées il y a longtemps, Helicobacter pylori est resté inconnu jusqu'en 1982. Cette bactérie infecte pourtant 50 % de la population mondiale, et cette infection produit chez certains une inflammation muqueuse entraînant des ulcères dans l'estomac et le duodénum. Elle prédispose aussi au cancer de l'estomac et au lymphome gastrique MALT (Mucosal-Associated Lymphoid Tissue).
Helicobacter pylori est maintenant classé comme un carcinogène mais l'on reste bien ignorant sur la façon dont la bactérie favorise la transformation maligne. On sait que les souches virulentes de H. pylori qui sont associées au cancer expriment la protéine CagA.
H. pylori injecte sa protéine CagA dans les cellules
Après l'attachement de ces souches aux cellules épithéliales gastriques, la bactérie injecte directement sa protéine CagA dans les cellules gastriques, puis la protéine CagA subit une phosphorylation dans les cellules hôtes.
On sait aussi que lorsque les souches virulentes de H. pylori infectent les cellules gastriques, celles-ci changent de forme et s'étirent jusqu'à ressembler à des colibris. Ce changement morphologique très particulier est similaire à celui induit par le facteur de croissance hépatocytaire (HGF). Or des recherches ont suggéré que l'activation de SPH-2, une tyrosine phosphatase cellulaire, joue un rôle majeur dans les changements morphologiques cellulaires induits par l'HGF.
Une équipe de chercheurs japonais, dirigée par le Dr Masanori Hatakeyama, cancérologue moléculaire à l'université Hokkaido de Sapporo, a cherché à savoir si la protéine SPH-2 est aussi impliquée dans les changements morphologiques induits par Helicobacter. Les chercheurs ont été bien inspirés : dans des lysats de cellules gastriques transfectées avec CagA, des anticorps anti-CagA attrapent SHP-2 et vice versa, ce qui suggère que les deux protéines forment un complexe physique à l'intérieur de la cellule. De plus, les cellules qui sont infectées avec une version mutée de CagA incapable de se fixer à SHP-2 ne s'étirent plus pour prendre leur forme caractéristique.
L'activation du signal SPH-2
L'équipe montre que CagA active la voie de signal SPH-2. Lorsque SPH-2 forme un complexe avec CagA, l'activité phosphatase de SHP-2 est fortement stimulée. La voie de signal SPH-2, comme l'ont montré des études, joue un rôle majeur dans le signal de transduction mitogénique qui relie le récepteur pour les tyrosines kinases et ras et intervient activement dans la dissémination, la migration et l'adhésion des cellules.
« Nous démontrons que le facteur de virulence CagA de H. pylori, qui est transporté de la bactérie aux cellules épithéliales, peut perturber les machineries de transduction du signal et modifier les fonctions cellulaires en interagissant physiquement avec une protéine de la cellule hôte, SPH-2 », notent Higashi, Hatakeyama et coll. « La dérégulation de SHP-2 par CagA pourrait induire la prolifération anormale et le mouvement des cellules épithéliales gastriques, et favoriser ainsi l'acquisition d'un phénotype malin. Nos résultats fournissent par conséquent une explication moléculaire pour les actions pathologiques de CagA sur les cellules épithéliales gastriques. »
Selon le Dr Stanley Falkow, un bactériologiste de l'université de Stanford (Californie), interviewé dans un article associé, de nombreux liens moléculaires entre H. pylori et le cancer restent à découvrir, mais leur découverte ne devrait pas tarder.
Sciencexpress.org/13 décembre 2001 et p. 2269.
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