L'espérance de vie des sans-abri est inférieure de 30 à 35 ans à la moyenne nationale. On relève une prévalence 5 à 30 fois plus importante de la schizophrénie et des psychoses que dans la popluation générale. Et la tuberculose y serait 6 à 30 fois plus fréquente que la moyenne. Alors que faire pour améliorer l’état de santé de ces 600 000 personnes "privées de domicile personnel", dont les frontières dépasent de plus en plus la figure traditionnelle du clochard ? Le groupe de travail chargé de réfléchir à l'amélioration de l'accès aux soins des "sans chez soi" a remis vendredi son rapport à Roselyne Bachelot. Pour mieux soigner les sans abri, ce groupe dirigé par le psychiatre Vincent Girard, assisté du docteur Pascale Estecahandy et du docteur Pierre Chauvin suggère de privilégier cinq axes : le décloisonnement des politiques sanitaires, l’amélioration de la coordination des accompagnements somatiques, psychiatriques et sociaux, le développement de nouvelles pratiques professionnelles, l’hébergement et la réinsertion, et la promotion de la recherche et l’évaluation".
Inspirés par des expériences menées à l'étranger, les trois auteurs proposent en particulier d'expérimenter le "housing first" ("le logement d'abord") qui repose sur un postulat simple : disposer d'un logement est la première condition "pour l'intégration des personnes dans le droit commun de la prise en charge". Le rapport décrit en effet un double flux cumulatif qui se conjuguent pour expliquer le très mauvais état de santé des personnes sans toit: ce sont, d’une part, des personnes en rupture qui se retrouvent momentanément à la rue, avec de sérieuses chances de tomber malade, et d’autre part, des personnes qui, parce que malades ou très vulnérables, ont de sérieuses chances de se retrouver à la rue.
Faciliter la coordination entre acteurs sociaux et de santé
L’enjeu d’une implication du système de soins ambulatoire est essentiel, car le rapport rappelle que 84% des sans domicile voit au moins une fois un médecin dans l’année. Comme ce type de prise enc harge ne s’improvise pas, les experts suggèrent d’inscrire dans la formation initiale des professionnels de santé "un module obligatoire sur le soin des personnes sans chez soi." Concernant la médecine de ville, le rapport estime par ailleurs que les outils de responsabilisation des assurés apparus ces dernières années -tels que franchises ou parcours de soins- peuvent être "catastrophiques" pour ces sans abri, victime d’une "mise à distance acrue du système de soins primaires", car ils préfèrent naturellement privilégier des actes essentiels (manger, dormir, se laver), au détriment de la prise en charge de leur santé. Sur la base d’études locales, le rapport calcule qu’environ 10% de la patientèle des généralistes serait en situation sociale précaire, et suggère "que la plus grande part des activités en direction des populations démunies semble être assurée par un tiers environ des médecins."
Selon le groupe de travail, la clé d’un investissement plus important des médecins de ville suppose que l’on résolve au préalable deux freins. La fragmentation et l’éclatement des prises en charge et "l’isolement de la pratique libérale"; deux phénomènes, qui expliquent, que faute d’avoir constitué son propre réseau avec des acteurs de proximité (équipe mobile, lits halte de soins santé, PASS, 115,...), un praticien aura du mal à piloter ce type de patient dans le circuit médico-social. Se référant à une enquête effectuée auprès des médecins de ville de Toulouse en 2005, le rapport Girard avance que la plupart des généralistes souhaiterait pouvoir "se référer à une structure identifiée, facilement repérable et pouvant assurer cette fonction d’accompagnement et de suivi."
Selon le rapport, les MALISS -maisons d’accompagnement, de liaison et de suivi sociosanitaire- pourraient avoir cette fonction d’accompagnement, de suivi et de coordination des soins pour les patients sans abri. Le groupe de travail recommande leur création un peu partout au plan local. Les auteurs du rapport proposent que chaque MALISSS (qui serait coordonnée par un médecin) puisse être sollicitée tant par les acteurs sanitaires que sociaux : ce serait "à la fois une plate-forme d’orientation vers un professionnel sanitaire pour les acteurs sociaux et une plateforme d’orientation vers les acteurs sociaux pour les professionnels de santé".
Parallèlement est proposé la création d’équipes de liaisons médico-sociale dans chaque hôpital, et d’une "personne en charge de la santé des personnes sans chez soi" dans chaque ARS. Roselyne Bachelot a dores et déjà repris à son compte cette dernière proposition; et elle a également annoncé la désignation d'un référent "santé, fragilité sociale et précarité" au sein même de son ministère.
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