C’EST PAR LE MARIAGE que s’établit automatiquement le lien de filiation et la légitimation d’un enfant : à l’égard de sa mère puisque c’est elle qui donne naissance et à l’égard de son père puisqu’il est le mari de la mère. Il s’agit là d’une présomption légale que seul un tribunal peut mettre à néant si des preuves contraires sont apportées. Mais comment s’établit le lien de filiation en dehors du mariage ?
– En dehors du mariage, si les parents sont d’accord pour reconnaître l’enfant, la filiation peut être établie par une déclaration de chacun d’eux en mairie préalablement à la naissance (facultatif), qui doit être validée dans les trois jours qui suivent la naissance (obligatoire). Le père ne peut faire une déclaration seul en mairie avant la naissance, elle doit être conjointe à celle de la mère.
Si les parents ne sont pas d’accord, le père a la possibilité d’établir une reconnaissance prénatale en l’absence de la mère auprès d’un notaire : par cette déclaration, il pose un lien de paternité : « Je suis le père de l’enfant porté par MmeS...»
Le principe de la filiation maternelle n’est pas discutable. Mais pour ce qui concerne le lien de filiation paternel, la loi française est ainsi faite que la reconnaissance de paternité n’a d’effet que si la mère ne la conteste pas. Celle-ci peut intenter une action en désaveu de paternité, pour démontrer que l’enfant n’est pas du père qui se déclare. Elle fait appel au juge qui ordonne un test ADN, qui, en France, n’est pas libre et ne peut être réalisé que dans le cadre d’une action en justice.
La mère peut aussi accoucher dans l’anonymat et dans le secret (sous X) et, de ce fait, rendre impossible l’établissement de tout lien de paternité. «En France, la filiation paternelle est totalement dépendante du lien maternel. Aucune parade formaliste ne vient limiter le pouvoir absolu de la mère sur le lien du père», explique D. Mendelsohn. Dans le cadre de la loi régissant l’accouchement sous X, tout lien de filiation est annulé : l’enfant est censé n’avoir ni mère ni père (encadré).
Pourquoi un tel pouvoir des mères ? Cela provient d’une adaptation législative pour parer à un certain nombre de problèmes. Le premier est que si l’on est toujours sûr de la filiation maternelle, il n’en est pas de même du lien paternel. Ensuite, il a été considéré qu’il fallait avant tout protéger le mariage en instituant une présomption de filiation paternelle envers tout enfant né d’une femme mariée. Et cela a permis de limiter les revendications des femmes à l’égard des pères présumés.
La volonté d’établir un lien de paternité est assez récente historiquement et c’est elle qui est à l’origine des nombreuses difficultés qui se révèlent devant les tribunaux.
– La procréation médicalement assistée (PMA) pose, quant à elle, d’autres problèmes. La loi française a prévu un contrôle par le juge depuis la décision prise par des parents de recourir à un tel système, jusqu’aux conséquences de la naissance de l’enfant. L’insémination artificielle se fait avec un donneur, homme ou femme, qui restera obligatoirement dans l’anonymat. Lors de la naissance, le lien de filiation ou de reconnaissance ne pourra être établi qu’à l’égard des parents juridiques. Aucune recherche ne sera autorisée à l’égard des parents biologiques.
– L’adoption, elle aussi, nécessite l’intervention d’un juge : il est seul compétent pour consacrer la demande d’adoption qui lui est faite en fonction d’un certain nombre de critères dans l’intérêt de l’enfant. A cet égard, on connaît les débats posés par les demandes de deux parents de même sexe. Lorsque l’adoption plénière est prononcée, la filiation biologique est alors totalement effacée.
* Lire l’histoire poignante : « De mère inconnue, Pascale Odièvre ou le combat des enfants nés sous X », écrite par Didier Mendelsohn et Isabelle Marchant (Albin Michel).
La demande des pères s’accroît
« Pas de père sans mère », dit en substance la loi française. Philippe Peter en fait depuis quelques années douloureusement l’expérience. Non marié avec sa concubine, il a reconnu avant la naissance son enfant à venir chez un notaire. La mère a par la suite choisi de suivre la législation de l’accouchement anonyme avec abandon légal de l’enfant. Ce qui, étant donné la loi française, a eu pour effet de couper tout lien de maternité, mais aussi de paternité. La filiation du père biologique ne pouvait être confirmée. Ayant retrouvé la trace de son fils, nommé Benjamin, le père a pu obtenir par action auprès du tribunal de grande instance que son enfant lui soit rendu. Mais, de son côté, la famille d’accueil du petit garçon avait engagé une procédure d’adoption, qui était proche d’aboutir. Elle a donc fait appel, et obtenu de garder l’enfant. Le père continue son combat juridique pour retrouver l’enfant dont il a toujours voulu être le père... Benjamin est depuis quatre ans dans sa famille d’accueil.
Si la Cour de cassation se prononce en faveur du maintien de l’enfant dans sa famille d’accueil, la question sera soumise à la Cour européenne des droits de l’homme par P. Peter, aidé par Me Mendelsohn.
« L’exemple de P. Peter témoigne de l’implication des pères qui se heurte à une construction législative qui les laisse à l’écart », commente Me Mendelsohn. Or il existe une demande grandissante des pères, qui réclament la reconnaissance de leur paternité et l’exercice de l’autorité parentale. Le système juridique sera amené sans doute à s’y adapter pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses.
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