Le personnel soignant des services de réanimation est quotidiennement confronté à la mort des patients. Deux études montrent que, loin de se cacher derrière un blindage affectif, les acteurs de soins gardent leur capacité de réflexion, d'empathie et de remise en cause vis-à-vis des conditions de décès ou de situations difficiles, comme le prélèvement d'organes.
L'ÉTUDE MORT A L'HÔPITAL (MAHO) est une enquête épidémiologique multicentrique qui a exploré les conditions de décès à l'hôpital dans plus de 600 services répartis sur 200 hôpitaux. Elle souligne l'importance du rôle de l'infirmière dans les derniers instants de vie. Du fait de sa proximité avec le patient, elle est la personne la plus à même de raconter les circonstances du décès, alors que les médecins n'en sont capables que dans moins de 10 % des cas. Une partie de cette enquête s'est intéressée plus particulièrement au ressenti des infirmières de réanimation vis-à-vis des conditions de décès. En effet, il ressort de cette étude plusieurs points négatifs. Si 80 % des patients en réanimation décèdent de façon prévue, les proches ne sont présents au moment du décès que dans un quart des cas et, dans 15 %, le patient meurt seul. Les infirmières considèrent avoir fait correctement leur travail dans 80 % des cas, mais seulement 30 % considèrent que les conditions de décès des patients seraient acceptables pour elles-mêmes ou pour leurs proches.
Le respect des droits du malade pour une mort plus acceptable.
Lorsqu'elles sont interrogées sur ce qui rendrait ces conditions plus acceptables, deux thèmes sont mis en avant. Les critères en rapport avec l'accompagnement du patient et le soutien apporté à la famille étaient des réponses attendues, déjà présentes dans la conférence de consensus de 2004 sur l'accompagnement des personnes en fin de vie. Sont citées : l'absence de douleur majorée dans les derniers instants de vie, l'information des proches et de leur présence au moment du décès, la réalisation d'un entretien systématique avec la famille après le décès. En revanche, il se dégage de cette étude des attentes moins classiques. Il s'agit de critères en rapport avec les droits du malade et l'application de la loi Léonetti 2005 : discussion des choix thérapeutique, collégialité, traçabilité des décisions, existence de procédures d'aide à la décision, existence d'une personne de confiance désignée. Cette étude montre bien l'importance que prend l'application de ces textes dans le vécu du personnel soignant et la nécessité d'une meilleure formation des acteurs de soins en réanimation sur ce thème.
Le don d'organes : positionnement du personnel soignant.
Une autre étude, réalisée à l'hôpital d'Evry, s'est intéressée plus particulièrement au ressenti du personnel soignant de réanimation face au prélèvement d'organes, chez des sujets en état de mort encéphalique. L'activité de prélèvement a débuté à l'hôpital d'Evry en 2002. Deux enquêtes successives, réalisées en 2002 et à la fin de 2006, ont permis d'apprécier le positionnement du personnel vis-à-vis du don d'organes, avant le début des prélèvements et après cinq ans d'expérience dans le service. Au cours de ces cinq années, la totalité des médecins et les trois quarts des infirmiers et des aides-soignants avaient eu à prendre en charge concrètement un patient en mort encéphalique. La majorité du personnel estime que l'activité de prélèvement entraîne une surcharge de travail et que la prise en charge de ces patients est « particulière », de par le contact avec la famille. A la question de savoir si le personnel était favorable au don d'organes pour soi-même, les médecins et les infirmiers avaient répondu de façon positive dans plus de 90 % des cas, avec peu de variation entre les deux enquêtes. En revanche, lorsqu'il s'agissait de savoir s'ils étaient favorables au prélèvement pour leurs enfants, il existe un changement important de positionnement après cinq ans d'expérience de terrain. En 2002, seule la moitié des IDE et aucun aide-soignant n'avaient répondu positivement, alors que, en 2006, 75 % y étaient favorables. Cette amélioration est notamment attribuée aux actions de formation et de soutien logistique du service de coordination des prélèvements de l'hôpital. Une sensibilisation du personnel de tous les services permettrait sans doute de changer les mentalités et d'améliorer le nombre de dons d'organes, encore bien trop faible en France.
D'après des communications de :
(1) Ferrand E. et coll. (Créteil). Facteurs influençant la qualité de prise en charge des patients mourants à l'hôpital. Etude Mort à l'hôpital (MAHO). (2) Brocas E. et coll. (Evry). Ressenti du personnel soignant du service de réanimation d'un hôpital centre de prélèvements vis-à-vis de la prise en charge de patients en mort encéphalique.
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