SI LES CRA ont été créés en 1981, ce n'est qu'en 1999 qu'un décret a mis en place dans chacun des centres une assistance médicale fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Pour chacun des 27 CRA, une convention a été passée entre la préfecture et un hôpital public, aux termes de laquelle médecin(s) et personnel infirmier sont affectés au suivi des personnes retenues. Mais, comme le note le dernier rapport de l'ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers), «tous les médecins ne connaissent pas leur rôle précis dans la protection des malades. En particulier, ils évaluent diversement la possibilité qu'ils ont de saisir le MISP (médecin inspecteur de santé publique) au sein des DDASS, pour avis, lorsqu'ils estiment qu'il y a incompatibilité entre l'état de santé des étrangers retenus et leur expulsion. Aucune formation n'est dispensée à ces médecins, aucun texte ne leur est fourni».
Le fonctionnement des dispositifs varie, en outre, considérablement d'un lieu à l'autre. Dans les locaux de rétention, souligne encore l'ODSE, « le plus souvent, les étrangers n'ont pas d'interlocuteur médical, sauf en cas d'urgence appréciée par les fonctionnaires de police».
Un centre modèle.
Les médecins interrogés par « le Quotidien » confirment cette disparité existant entre CRA, aussi bien quant à leur organisation médicale que pour les suivis des signalements transmis aux MISP. À Lyon, le CRA Saint-Exupéry fait figure de centre modèle. Avec deux infirmières à plein-temps et une troisième à mi-temps, il dispose de deux médecins à mi-temps, présents à tour de rôle une demi-journée. En cas d'absence, les infirmières peuvent faire appel au médecin du groupement mobile d'intervention et de soins.
«Nous sommes très gâtés, par rapport à d'autres CRA, note le Dr Pascale Beaupère, car les personnes retenues bénéficient d'un libre accès à l'infirmerie. Elles peuvent consulter sans passer par la PAF (police de l'air et des frontières). Les enfants présents dans le centre sont systématiquement examinés à leur arrivée.»
Quant à la prise en compte des signalement transmis, via les MISP, aux préfectures, le Dr Beaupère assure qu' «elle est systématique, avec des libérations qui interviennent en l'espace de quelques heures, l'administration ayant pu vérifier que nous n'agissons qu'à bon escient, sans lancer des demandes à tout-va».
À Bordeaux, en revanche, les infirmiers et les médecins doivent se faire ouvrir l'infirmerie par la police. À défaut, ils ne peuvent entrer en contact avec les personnes retenues. En cas d'urgence, celles-ci sont conduites menottées à l'hôpital.
À Marseille, le Dr Anne Galinier, par ailleurs chef de service médical pénitentiaire, intervient dans le CRA une demi-journée par semaine depuis 2000. Elle déplore l'« absence de libre circulation des personnes retenues, ce qui les prive du libre accès à l'infirmerie. Pour les signalements, aucun de ceux que j'ai effectués, affirme-t-elle, n'a jamais été suivi d'effet à ma connaissance, qu'il s'agisse de patients atteints de sida, d'hépatiteC ou de diabétiques insulinodépendants renvoyés dans un pays du Maghreb».
La barrière de la langue ajoute aux difficultés, souligne-t-elle : «Nous avons élaboré un questionnaire en douze langues, mais nous attendons toujours la mise en place d'un système d'interprétariat téléphonique.»
Comme la plupart de ses collègues intervenant en CRA, le Dr Galinier redoute en permanence d'être instrumentalisée : «D'une part, les personnes retenues sont souvent aux abois et exercent sur nous toutes les pressions possibles pour obtenir une médicalisation de leur situation. D'autre part, la police de l'air et des frontières nous sollicite pour cautionner des mesures disciplinaires, en nous demandant d'établir les certificats d'aptitude à l'admission en cellules de sécurité.»
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