On peut retourner la question dans tous les sens. À l’heure du départ en retraite, sera-t-il progressif ou non avec les nouvelles possibilités de cumul activité libérale-emploi, les allocations des régimes obligatoires des médecins libéraux (régime de base+RCV+ASV) sont loin de garantir aux retraités des revenus proches de leurs revenus d’activité. Actuellement, la moyenne des retraites servies par la Carmf représente à peine 40 % du revenu moyen du médecin libéral. Si chaque situation est différente, notamment selon que les revenus d’activités sont plus ou moins élevés, on peut estimer que les allocations des régimes obligatoires versées aux médecins à la retraite sont équivalentes à une fourchette allant de 20 à 50 % des derniers revenus d’activité. Au regard du contexte démographique de la profession de médecins, du mouvement d’allongement de la période de cotisation et l’avenir incertain du régime de l’ASV, la tendance est à une diminution des rentes versées par le système obligatoire. Si au plan collectif, des combats et des chantiers sont encore à mener, à titre individuel, des décisions importantes sont à prendre à la lumière de ce contexte.
À quel âge se préoccuper de retraite ?
Le plus tôt possible… mais encore ? « Entre les jeunes médecins qui signent trop rapidement des contrats non adaptés à leur fiscalité ou des médecins arrivés à l’âge de 50 ans qui n’ont encore pris aucune mesure pour se construire une retraite complémentaire, toutes les situations sont possibles », décrit le Dr Bruno Gaudeau, Président de Groupe Pasteur Mutualité. La question n’est pas en fait « à quel âge s’en occuper ? », mais « tous les combien faut-il se repencher sur la question ? ». Car il ne suffit pas d’avoir signé un contrat à 30 ans pour être protégé à l’âge de la retraite. « Si les montants d’épargne n’ont pas été révisés à la hausse, si les options ne permettent pas de protéger sa famille, si le suivi de la gestion des fonds choisis n’est pas régulier… les déceptions risquent d’être au rendez-vous. Trouver une demi-journée tous les 3 ou 4 ans pour faire le point sur sa situation personnelle et professionnelle devrait être un réflexe automatique » poursuit-il. L’équation à laquelle doit répondre une stratégie de préparation à la retraite n’est pas simple : comment préparer des revenus futurs tout en ne mangeant pas trop sur les revenus actuels, en bénéficiant des possibilités de défiscalisation mais tout en conservant une épargne disponible ? La question de la protection du conjoint est un point important de l’équation pour les médecins dont le conjoint a eu un parcours professionnel discontinu. Il est dans ce cas indispensable de choisir des contrats avec des options de sortie qui comprennent la possibilité d’une rente de réversion, le versement d’annuités garanties ou encore une rente dépendance. Le choix des options de sortie se fait à la liquidation du contrat mais elles doivent être prévus dans le contrat signé.
Un Madelin avant tout
Les contrats de retraite appelés « Madelin » sont les plus connus et les plus prisés car associés à des possibilités de défiscalisation importantes. Leur inconvénient principal – les sommes sont bloquées jusqu’à la retraite – est aussi leur véritable atout. « Avec les produits dit tunnels, explique Jean-Pierre Ansquer, pdg de Scamed Assurances, il n’y a pas de risque d’utiliser l’épargne dédiée à la retraite pour un achat au cours de la vie. Et comme seule une rente viagère est possible, les adhérents sont sûrs de bénéficier de revenus complémentaires quelle que soit leur durée de vie ». S’il peut être intéressant de commencer dès le début de sa carrière avec de petits versements (50 à 100 euros par mois) pour répartir l’effort d’épargne, « l’intérêt de la défiscalisation est réellement intéressant à partir d’une tranche marginale d’imposition au moins égale à 30 %, souvent atteinte en milieu de carrière » explique Sandrine Rocher, chef de produits retraite Loi Madelin à la Médicale. « Il est important de ne pas prendre d’engagement pour des versements trop importants pendant les premières années car la cotisation doit être régulière et ne peut pas diminuer » rappelle Frédéric Dunant, courtier d’Assurances-Médica. Par contre, il est possible de multiplier par 10 les versements ou de reporter son disponible fiscal sur les trois années suivantes. « Le suivi du contrat est essentiel afin de pouvoir les bonnes années, réaliser des versements complémentaires jusqu’au plafond maximal de déductibilité fiscale avant la clôture de l’exercice fiscal », poursuit Sandrine Rocher. « Il est courant de rencontrer des professionnels qui ont signé un contrat Madelin en début de carrière sans avoir réviser les montants de cotisation, indique Anne Sorgues d’Aviva, il est important de jouer sur les deux leviers : l’augmentation progressive de la cotisation régulière et les versements exceptionnels pour optimiser la préparation d’un revenu de remplacement et les intérêts en matière de fiscalité ».
Une assurance-vie « au cas où »
Bien que les produits d’assurance-vie ne permettent pas de défiscaliser les sommes versées, ils ont le grand avantage de ne pas bloquer l’épargne jusqu’à la retraite. « Quand un médecin me donne sa capacité d’épargne – par exemple 300 euros par mois en vitesse de croisière, indique Frédéric Dunant courtier d’Assurances-Médica, il peut être conseillé de répartir la moitié sur un contrat Madelin et l’autre sur un contrat d’assurance-vie. En cas de besoin de liquidités non prévu, la disponibilité des fonds est alors immédiate pour ce dernier». Au-delà de 8 ans de contrat, la fiscalité sur les sommes disponibles est réduite voire nulle. Deuxième point divergent du Madelin, aucune régularité de versement n’est obligatoire. Troisième aspect en vue de sa succession, les sommes transmises aux bénéficiaires sont exonérés d’impôts dans la limite d’un plafond de 152 000 euros. Il est conseillé d’ouvrir un contrat d’assurance-vie le plus tôt possible pour « prendre date » car «le cadre juridique de l’assurance-vie évolue sans cesse avec régulièrement une révision des avantages. Il est impossible de dire si les avantages sur l’exonération en cas de succession seront à jamais maintenus par exemple, indique Jean Vilanova, responsable des relations institutionnelles avec les marchés pour La Médicale, mais jusqu’à présent la modification du cadre juridique n’a pas impacté les contrats déjà signés ». Comparer les options de sortie du contrat et les frais associés n’est cependant pas une étape à brûler car à la différence des produits Madelin, Perp, Perco ou Préfon, le contrat d’assurance-vie ne peut pas être transféré d’un organisme gestionnaire à un autre.
Perp et perco : pour la souplesse
Les contrats Perp qui sont accessibles à tous les particuliers bénéficient d’un dispositif de défiscalisation des versements proche du Madelin. La régularité des versements n’est pas imposée et le Perp peut donc être intéressant en complément d’un effort régulier d’épargne sur un Madelin. Les plafonds de défiscalisation sont communs avec les contrats Madelin. Si le Perco sont encore peu choisi par les médecins, il est intéressant de faire des simulations précises pour les cabinets qui ont au moins un salarié car il vise la retraite des salariés et celle des professionnels libéraux du cabinet. Au versement volontaire du salarié comme du professionnel libéral, le cabinet peut abonder jusqu’à 300 % des sommes qui sont en grande partie exonérées de cotisations sociales (dans la limite d’un plafond). Le pourcentage de l’abondement est commun à tous les bénéficiaires du cabinet et peut varier chaque année. Le Perco a aussi l’intérêt de pouvoir être liquidé en rente ou en capital. « Les versements n’ayant pas à être réguliers et les options de déblocage étant plus souples, notamment pour l’achat de sa première résidence principale, c’est un outil complémentaire à étudier» conseille Frédéric Dunant, courtier d’Assurances-Médica.
Equilibrer rentabilité et sécurité des fonds
Pour certains contrats Madelin, Perp et assurance-vie, l’assuré peut choisir de placer ses versements sur des « fonds en euros » ou bien sur des « fonds en unité de compte » (en actions). « Si l’assuré est allergique au risque, explique Dominique Ribaute du groupe Pasteur Mutualité, 100 % de son épargne est placée sur un fonds en euros qui propose une rentabilité moins élevée mais une garantie maximale ». Il est cependant courant de se voir proposer un partage : 80 % en fonds euros et 20 % en unités de compte (actions). « Le gain de rentabilité réel sur les fonds en unités de compte s’appréhende sur des périodes longues » indique Sandrine Rocher de La Médicale. « Plus la part d’unités de compte est importante par rapport au fond euros, plus le suivi des fonds doit être régulier même s’il existe désormais des options de gestion et d’arbitrage qui permettent de choisir des fonds en unités de compte tout en ne prenant pas de risque exagéré pour le capital, avec des seuils d’alerte lorsqu’un fonds perd de la valeur ». Pour les fonds en unités de compte, il faut être attentif au coût des frais d’arbitrage du contrat qui permettent de rééquilibrer les sommes ou de changer de fonds. « Si la moyenne est d’avoir deux ou trois fonds, certains clients en choisissent jusqu’à 10 ou vingt » poursuit-elle, « en variant les activités (pétrochimie, industrie...) et les zones géographiques (Europe, USA, Asie…) ». La répartition entre les fonds en euros et les fonds en unités de compte dépend également de l’âge de la souscription du contrat. « Il est conseillé de placer des sommes sur les fonds en unités de compte lorsque les versements sont de petites sommes mensuelles et régulières sur un grand nombre d’années, conseille Frédéric Dunant d’Assurances-Médica, ce qui permet d’acheter les actions à différents prix et de lisser la performance sur le long terme. Plus les versements sont importants notamment à l’approche de la retraite, plus il est préférable de choisir des fonds en euros ». De nombreux contrats proposent une gestion évolutive dont l’objectif est justement de sécuriser les fonds à l’approche du départ en retraite. « L’idéal est de sortir progressivement des fonds en unité de compte. Une baisse n’est jamais figée tant que l’action n’est pas vendue, d’où la nécessité d’avoir du temps devant soi » indique Sandrine Rocher de La Médicale qui précise « c’est l’assuré qui prend les décisions pour gérer ses fonds à partir des performances et des informations qui lui sont communiqués. Nous le conseillons en formalisant par écrit les options préconisées, mais c’est lui qui décide ».
Quel montant de rente ?
Le montant de la rente qui sera versée au moment de la liquidation des contrats est calculé de différente manière et son montant dépend des différentes options choisies au moment de la liquidation (réversion, annuités garanties…). Un élément essentiel du montant de la rente est la table de garantie associée au contrat qui se base sur des moyennes d’espérance de vie. Les contrats proposent la table de garantie en vigueur au jour de la souscription du contrat ou bien celle qui sera en vigueur au jour de la liquidation du contrat et qui est donc à ce jour inconnue. Les conséquences de ce choix sont importantes. Une table de garantie en vigueur à la signature du contrat débouche le plus souvent sur un montant de rente supérieur mais ne propose pas de revalorisation de la rente tout au long de la période de versement. Choisir une table de garantie en vigueur à la date de liquidation implique des montants de rente moins élevés mais un engagement de revalorisation de cette rente pendant toute la période du versement.
Cumul activité libérale et retraite
« Les nouvelles possibilités de cumuler l’activité libérale et la retraite commencent à modifier les réflexes en matière de préparation de sa retraite complémentaire » constate Anne Pichon d’Aviva, « certains médecins choisissent de liquider leurs contrats de retraite complémentaire après l’âge de leur départ en retraite obligatoire et continuent à les alimenter afin de les activer au moment de leur fin réelle d’activité ». Comme le rappelle la Carmf, « la liquidation des contrats Madelin est indépendante de la liquidation de la retraite obligatoire ». Il faut donc choisir un contrat de retraite complémentaire qui peut être prolongé au-delà de la date de départ en retraite du régime obligatoire.
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