De notre correspondante
La mauvaise observance des nouveaux traitements est un obstacle à l'efficacité thérapeutique et un enjeu de santé publique, car elle favorise le développement des souches résistantes. Depuis 1996, on assiste avec l'apparition des polythérapies antirétrovirales à des changements socio-comportementaux ne favorisant pas le respect des prescriptions. Des interventions psychosociales ont visé depuis à réduire l'inobservance et à promouvoir l'adhésion thérapeutique.
M. Morin et coll. (Aix-Marseille-1) ont analysé les données d'une cohorte de patients traités pour infection au VIH (cohorte APROCO N = 614) et évalué une intervention par counseling centré sur l'appropriation du traitement par le patient et un accompagnement psychosocial pendant six mois. Cet essai était randomisé. On constate que sur une durée de plusieurs mois, la majorité des patients ne respecte pas strictement les prescriptions médicales et que des patients initialement observants peuvent devenir non observants et inversement.
L'inobservance est corrélée positivement à plusieurs paramètres : augmentation du score de dépression, détérioration de la perception de l'efficacité du traitement, augmentation de la perception de la toxicité médicamenteuse, perception de la dégradation de l'état de santé, absence de contact avec des cliniciens en dehors des prescripteurs, hausse de la consommation d'alcool ou de tabac, nombre élevé de symptômes indésirables déclarés.
L'étude montre enfin qu'une intervention par counseling peut améliorer l'observance et prévenir l'abandon du traitement ou les prises irrégulières. Elle augmente la satisfaction des patients et des soignants.
Des attentes différentes
Une autre étude réalisée par N. Giraud-Lidvan et coll. (Paris-5) étudie le rôle de la relation thérapeutique dans l'observance des traitements antirétroviraux Elle analyse les attentes des patients, celles des médecins prescripteurs et leurs conceptions respectives du soutien au traitement. Une enquête qualitative a été menée sous forme d'entretiens semi-directifs auprès de 47 personnes : 30 soignants, professionnels de la santé et représentants du secteur associatif, 12 patients atteints et 5 personnes proches. D'autre part, 20 soignants et 17 personnes atteintes de l'infection à VIH ont répondu par écrit à des questions ouvertes tirées du guide d'entretien. Résultats : les attentes des patients et des médecins sont différentes et parfois contradictoires. Lorsque le patient se sent écouté et compris et que les difficultés de l'observance sont tolérées par le médecin, il a un rapport positif et actif au traitement. Le patient veut être écouté et valorisé et accepté dans ses contradictions qu'il a souvent du mal à verbaliser. La relation de confiance avec le médecin ne doit pas être conditionnée à l'observance. Le malade exprime le besoin de contact personnalisé et chaleureux surtout si un incident survient ou en cas de modification du traitement. Son questionnement médical est réduit mais il veut pouvoir joindre le médecin au téléphone à tout moment. Enfin, le soutien social apparaît comme un élément très positif dans l'adhésion au traitement.
Les médecins prescripteurs attendent du malade une attitude positive : « Il doit faire face lui-même à sa problématique. » Ils considèrent que leur devoir consiste essentiellement à informer et, contrairement aux attentes des patients, leur confiance paraît liée à l'observance. Leurs attitudes et jugement vis-à-vis des patients sont en partie liés au respect des prescriptions
Une mauvaise observance entraîne une certaine prise de distance du médecin, qui est vécue par le patient comme un manque d'intérêt et de disponibilité.
Les demandes de pause ou de vacance de traitement constituent une source supplémentaire de difficultés et peuvent faire l'objet de négociations dans lesquelles la confiance que le médecin a dans le patient et la conception propre de son rôle professionnel jouent un rôle important.
Pour le patient, la demande d'arrêt de confort peut venir d'un désir de « profiter de la vie » pendant un laps de temps et se révéler somme toute relativement positif par rapport au traitement ou au contraire être un signal d'alarme d'une motivation défaillante.
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