Le Pr Dominique Ducassou, le Pr Daniel Jaeck et Benoît Leclercq, qui ont piloté cinq mois durant la mission ministérielle relative aux spécificités des CHU dans le cadre du plan gouvernemental Hôpital 2007, viennent de remettre leur copie à Jean-François Mattei. Titre du document : « Restaurer l'attractivité des CHU et leur partenariat avec le monde de la santé et l'université ».
« Les CHU ont l'impression de vivre des difficultés importantes, à tort ou à raison, d'où une ambiance morose » : le constat dressé par le directeur du CHU de Nancy, Benoît Leclercq, pourrait concerner n'importe quel hôpital public. Certes, tout n'est pas sombre pour les vingt-neuf CHU de France : « Avec leurs 2 700 000 patients soignés chaque année, ils continuent de tenir une place importante dans le système de soins », souligne le rapporteur. Mais le bilan positif s'arrête là.
Car les CHU, depuis des années, pâtissent de l'absence de culture d'évaluation, des limites du financement par dotation globale et de la rigidité des statuts. Tout comme les autres hôpitaux. Mais du fait de missions spécifiques, la situation de ces grands établissements est peut-être encore plus critique. La raison : « On est noyé sous la masse des soins », déplore Benoît Leclercq. Résultat : « L'innovation, la recherche, l'enseignement sont quelquefois sacrifiés. »
Des modes de fonctionnement archaïques
Les rapporteurs constatent à regret que les agences régionales d'hospitalisation (ARH) sont éloignées des spécificités des CHU, les liens avec l'université peu visibles, et les choix stratégiques opérés au détriment des missions universitaires. La situation est aggravée par des modes de fonctionnement « archaïquesqui méritent d'être radicalement transformés », note la mission, qui émet toute une série de propositions pour permettre aux CHU de rester « le fleuron de la médecine française ».
Il s'agit d'un « bon rapport, qui reprend en grande partie les propositions émises lors des dernières assises des CHU à Nice », juge Daniel Moinard, qui préside la Conférence des directeurs généraux des CHU. Il apprécie particulièrement l'idée d'un comité (ou conseil) stratégique, qui figure également dans le rapport Vallencien sur la gestion de l'hôpital. A sa tête, le trinôme doyen, président de CME et directeur général, prendrait toutes les décisions importantes concernant le pilotage du CHU.
Il faut en outre que la signature des documents stratégiques par les présidents de CME et les doyens soit prise en compte, et que les décisions soient déconcentrées au niveau des pôles d'activités, ajoute le rapport. La gouvernance n'est pas un sujet polémique. « On est arrivé à un consensus : on veut de l'efficacité », dit le Pr Jaeck, chef de service au CHU de Strasbourg.
Il est en outre utile de rénover la convention qui lie l'hôpital à l'université, en vigueur depuis 1958. Car aujourd'hui, « par exemple, on ne sait pas bien à qui appartiennent tels ou tels locaux », précise le Pr Jaeck. Les rapporteurs insistent sur la nécessité de développer un contrat dans le domaine des soins entre l'ARH et le CHU, et dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, entre l'hôpital et l'université. Ils demandent que chaque ARH dispose d'une personne spécialiste des CHU, de façon à mieux traiter leurs dysfonctionnements. La part de la recherche et de l'enseignement variant d'un CHU à l'autre, la mission demande un financement au cas par cas dans le cadre de la tarification à l'activité.
Enseignement en alternance
En matière d'enseignement, la mission estime les stages cliniques des carabins complètement négligés par rapport à leur formation théorique. Elle propose un enseignement en alternance, une semaine en amphi, une semaine au chevet du malade. La recherche clinique et ses applications sont trop peu valorisées par les CHU, constatent également les rapporteurs. Pour y remédier, chaque CHU devrait disposer d'un bio-incubateur et d'une cellule de valorisation industrielle, et devrait pouvoir déposer des brevets.
Pour coordonner toutes ces décisions au plan national, les rapporteurs proposent la création d'un comité pour les affaires hospitalo-universitaires placé auprès des ministres de l'Education et de la Santé, cela « afin d'examiner pour avis les questions qui lui seraient soumises et relatives aux CHU et à leur évolution ».
« Lorsqu'on lui a remis notre rapport, Jean-François Mattei a trouvé qu'apparemment beaucoup de nos propositions rejoignent les siennes », dit Benoît Leclercq. Le ministre, qui a désormais tous les rapports entre les mains, va en faire la synthèse. Les premières orientations devraient être fixées au mois de mai, d'après certains bruits de couloir. Quant aux décisions, parmi lesquelles la simplification du code des marchés publics, elles prendront sans doute la forme d'ordonnances.
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