Résignation et découragement
L'entourage d'un patient bipolaire est concerné à plusieurs titres. Il subit les troubles et les complications de la maladie au quotidien. Même si sa souffrance n'est pas la même que celui qui est atteint par le trouble, il vit cet état, avec empathie, compassion, mais aussi avec résignation et découragement, doit assumer les conséquences de la maladie, tant en ce qui concerne les aspects purement matériels que les responsabilités familiales.
Contraint de s'adapter en permanence à des situations nouvelles, il est obligé d'assumer toutes les tâches quotidiennes lors des phases dépressives. Et, à l'inverse, il doit faire preuve de compréhension et de diplomatie lors des phases d'excitation maniaque. Les compromis deviennent alors une nécessité, afin de prévenir conflits, violences, et de limiter (très partiellement) les excès potentiels. Lors des intervalles libres, il vit un état d'alerte par rapport au risque de récidive. Ainsi, le conjoint, ses parents, sa fratrie, ses enfants peuvent vivre un état de stress permanent.
L'entourage peut se sentir en cause
Cet état est d'autant plus difficile à vivre que l'entourage familial est isolé, peu informé sur la maladie et ne comprend pas la signification des comportements et symptômes. En outre, il subit, au même titre que le patient, rejets, discriminations, jugements, et éprouve des sentiments de peur, de colère, de honte…
Paradoxalement, l'entourage est trop souvent « responsabilisé ». Il peut alors se sentir en cause dans la survenue de la maladie, de ses rechutes, en méconnaissant l'aspect multidéterminé du trouble, et s'impliquer de manière inadaptée et excessive dans la prise en charge, en s'attribuant une fonction d'infirmier ou de vigile, fonction pour laquelle il n'est pas formé et qui ne peut qu'altérer la qualité des relations intrafamiliales (un aidant n'est pas un soignant).
Il est de plus en plus courant que les soignants reçoivent les proches du patient. Schémas, documents et discussions libres aident ces derniers à mieux comprendre les symptômes, à s'informer des causes, des données génétiques, des éléments favorisant les rechutes, de tout ce qu'il faut connaître pour se sentir moins perdu face à la maladie et au malade.
Triple alliance
La relation de confiance, clé essentielle de la réussite du traitement, se formalise sous le terme de « triple alliance », sorte de contrat impliquant le patient, le médecin et un membre de son entourage proche. L'objectif est de se donner les moyens d'intervenir le plus rapidement possible et de réunir toutes les informations nécessaires pour évaluer la situation.
La personne choisie est ainsi informée du projet thérapeutique. Il lui est proposé de participer à des thérapies de groupe et plus particulièrement à des sessions de mesures psycho-éducatives. Les rôles de chaque intervenant au sein de la famille sont ainsi mieux délimités. Des progrès restent néanmoins à faire : diffusion élargie de l'information, plus grande implication des soignants avec les familles, révision de certains discours culpabilisants, application de la règle de la transparence dans la mesure du possible (« ne rien faire à l'insu du patient »).
Certaines attitudes sont à proscrire car elles ne peuvent que contribuer à une aggravation de la pathologie : résignation, dramatisation, répression, banalisation, jugement, rejet, encouragement excessif… C'est en participant à des groupes de paroles et/ou psycho-éducatifs que les comportements avec le patient peuvent évoluer, en soulignant l'impact positif de l'empathie, de l'écoute, de la réassurance, du bon sens et de la transparence. Une aide peut être obtenue auprès d'associations telles l'UNAFAM, Argos 2001, France Dépression. La lecture d'ouvrages de vulgarisation permet d'acquérir certaines compétences, mais surtout de mieux comprendre la maladie et le patient. Sans oublier, et c'est là l'un des points les plus importants, que l'aidant[e] (et aimant[e]) peut, lui [elle] aussi, bénéficier d'une aide psychologique, voire médicamenteuse, du fait de son état de fragilisation réactionnel à la maladie d'un membre de la famille.
Les enfants
Les enfants ne doivent pas être oubliés. Ils subissent les troubles de leur parent sans les comprendre, et certains s'en culpabilisent. On ne leur explique pas toujours pourquoi l'un de leurs parents se montre violent, irritable, agressif… Ils sont parfois victimes de violences, physiques ou psychologiques, témoins de scènes conjugales, de l'alcoolisation, de séparations répétées, d'éloignement dus à une hospitalisation, de situations pécuniaires catastrophiques en rapport avec un licenciement ou des pertes aux jeux d'argent.
Expliquer
Pour les enfants, comme pour tous les proches, l'essentiel est l'information : expliquer avec des mots simples, des exemples concrets, sans culpabiliser, sans dramatiser, rassurer, apporter de l'espoir. Si les parents ne parviennent pas à trouver les mots, le psychiatre peut être sollicité pour recevoir les enfants lors d'une consultation. Simultanément, il convient d'évaluer les répercussions de la maladie et d'établir une stratégie d'action. L'enfant doit éventuellement être extrait du milieu familial, confié transitoirement à des proches, et être dirigé vers un psychologue ou un pédopsychiatre s'il présente des manifestations de mal-être, de souffrance psychique, des troubles du comportement, des difficultés scolaires.
Bien informé, l'entourage peut jouer ainsi un rôle dans la prévention des récidives et participer à la prise en charge en tant qu'aidant ou accompagnant sans pour autant se substituer à un membre de l'équipe soignante.
« Vivre avec un maniaco-dépressif », du Dr Christian Gay. Hachette Littératures, 210 pages, 18,50 euros. UNAFAM (Union nationale des amis et familles de malades psychiques), 12, villa Compoint, 75017 Paris, tél. 33.(0)1.53.06.30.43, fax 33.(0)1.42.63.44.00, infos@unafam.org.Argos 2001, tél. 01.69.24.22.90, www.argos2001.fr. France Dépression, 4, rue Vigée-Lebrun, 75015 Paris, tél. 01.40.61.05.66.
Un ouvrage à conseiller
Christian Gay propose, autour de témoignages particulièrement éloquents de proches de patients maniaco-dépressifs, des informations sur cette affection potentiellement « dévastatrice et handicapante » de façon à leur permettre d'exercer le rôle le plus positif possible auprès de la personne atteinte, mais aussi de se protéger. Comment réagir face à un état d'excitation, face à un état dépressif, conseils pour soi et le patient, que l'on soit conjoint(e), frère, sœur, enfants ou parents, structures d'aide, autant d'éléments essentiels faits pour aider « ces héros ordinaires » que sont les patients et les aidants.
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