L'ALITEMENT des douze femmes volontaires, qui sont restées soixante jours avec les pieds légèrement surélevés, selon une inclinaison de six degrés, va-t-il améliorer la connaissance de la physiologie dans l'espace ? Prudemment, le Dr Arnaud Beck, qui a dirigé l'étude WISE pour le Medes (l'Institut français de médecine et de physiologie spatiales), au sein du centre de recherche clinique situé sur le site de l'hôpital de Rangueil, à Toulouse, précise que, si tous les paramètres scientifiques de l'étude ont été enregistrés, ils n'ont pas encore fait l'objet d'une analyse complète. Cependant, il peut faire état de « premières impressions originales » : parmi les douze volontaires, quatre femmes ont été soumises en effet à quarante-huit sessions d'exercices d'endurance.
Meilleure adaptation cardio-vasculaire.
A un rythme quasi quotidien, elles ont effectué des mouvements de course sur un tapis roulant vertical, en restant toujours allongées, les jambes maintenues en caisson Lbnp (Lower Body Negative Pressure), soit en pression légèrement négative. Or, constate le Dr Beck, « il semble que ce groupe, par rapport aux huit autres, a mieux toléré le lever, une fois l'expérience achevée, et qu'il présente une meilleure adaptation cardio-vasculaire ».
Par rapport aux précédentes expériences Bedrest effectuées sur des volontaires masculins en 2001 et 2002, c'était la première fois que de tels tests étaient réalisés, les exercices auxquels étaient soumis les hommes portant sur des tractions des bras et des poussées des jambes.
Avant de valider ces conclusions définitivement, des mesures vont continuer à être effectuées jusqu'à la fin de l'année sur les volontaires, et même au-delà, avec des visites itératives qui seront poursuivies pendant trois ans, de manière à vérifier qu'aucune nouvelle modification n'est intervenue.
Au Medes, on souligne aussi que l'étude WISE ne sera complète qu'une fois la deuxième campagne menée à bien. Elle portera également sur douze volontaires féminines et sera lancée en septembre prochain, le recrutement des candidates se poursuivant actuellement*. Il faudra donc attendre la fin de l'année pour disposer des premières analyses exhaustives. Sont particulièrement attendues des études moléculaires sur les effets précoces d'une activité physique réduite, qui pourraient confirmer le rôle bénéfique de la pratique régulière d'exercices physiques dans la prévention de maladies telles que le diabète de type 2 et l'hypertension. Des applications pourraient aussi permettre d'améliorer les méthodes de rétablissement des patients alités.
Introspection.
D'ici là, les douze premières volontaires livrent leur bilan psychologique, avec des témoignages personnels ; ces aventurières de l'immobile se déclarent généralement satisfaites de leur performance, qu'elles qualifient toutes de « défi hors du commun ». Elles avouent avoir été surprises par la vitesse à laquelle ces soixante jours se sont passés. Entre les examens, les exercices physiques et les entretiens de suivi psychologique, elles ont pu agrémenter leur temps libre en lisant, en regardant la télévision, ou en s'adonnant à l'informatique. Des cours de langue leur ont aussi été proposés. Et l'absence de visite ne semble pas avoir affecté outre mesure ces volontaires, qui, si elles le désiraient, restaient en contact téléphonique quotidien avec leurs proches.
La plupart de ces femmes estiment que leur alitement leur a permis de « découvrir des choses » sur elles-mêmes et sur le monde. « Cela a élargi ma vision, j'ai appris beaucoup », confie l'une d'elles. « J'ai acquis une plus grande maîtrise, c'est très introspectif », confirme l'autre. Ce qu'une troisième formule par le paradoxe de cette vie érémitique du troisième millénaire, ainsi énoncé : « On est isolé du monde, mais au service du monde. Et c'est une école de tolérance et d'ouverture. »
* Renseignements pour les candidates intéressées par la deuxième campagne : www.medes.fr/ltbrw.
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