L’INERTIE thérapeutique est définie comme le retard à l’intensification du traitement alors que les objectifs - connus du médecin et du patient - ne sont pas atteints. Le phénomène a été constaté dans la prise en charge de tous les facteurs de risque - cholestérol, pression artérielle… - Mais plus encore avec la glycémie, les cibles étant souvent plus difficiles à atteindre.
Très souvent, le patient émet des réticences à majorer son traitement. Cela est d’autant plus vrai que le diabète est une maladie asymptomatique, que certains traitements peuvent être mal tolérés et que le renforcement thérapeutique est vécu par le patient comme un signe d’aggravation de sa maladie, et donc de perte de qualité de vie ; surtout lorsqu’il s’agit de passer à l’insuline ou aux formes injectables en général. Le patient imagine toutes les contraintes d’un traitement supplémentaire, plus intensif, avec non seulement des bénéfices immédiats le plus souvent non perceptibles pour lui en dehors de l’évolution des paramètres biologiques, mais aussi davantage d’inconfort et d’inconvénients possibles : risque d’hypoglycémie, prise de poids… Les négociations consistent à remettre systématiquement à la prochaine consultation la décision de modifier le traitement. Quant au médecin généraliste, souvent le médecin de famille, il se « met à la place du patient ». Lui-même n’accepterait souvent pas facilement le changement proposé. Par conséquent, il va avoir des réticences à augmenter le traitement, craignant de provoquer des effets indésirables ou d’altérer la qualité de vie de son patient. Enfin, certains d’entre eux peuvent avoir une mauvaise connaissance des associations thérapeutiques possibles ou du maniement de certains médicaments. Ainsi, un certain nombre de facteurs vont limiter la réactivité du médecin face au déséquilibre du diabète.
Du fait des diverses recommandations, l’inertie thérapeutique est actuellement moins importante.
En effet, les médecins intensifient le traitement plus précocement que par le passé. Ils passent plus tôt à la metformine, à une bithérapie, même si c’est encore trop souvent en retard. En outre, les associations thérapeutiques fixes (metformine + inhibiteur DPP-4 ou metformine + pioglitazone) facilitent le passage d’une monothérapie initiale à une bithérapie, la modification pouvant passer inaperçu pour le patient du fait que le nombre de comprimés à prendre reste inchangé.
Les pratiques à grande échelle évoluent lentement, mais incontestablement les pratiques s’améliorent. Ainsi, les données de l’étude ENTRED ont montré une augmentation des patients sous bithérapie. La prise en charge des patients est meilleure et plus précoce aujourd’hui qu’il y a 15-20 ans. Ceci est facilité, outre par la mise à disposition d’associations thérapeutiques fixes, par la meilleure tolérance de certains médicaments plus récents. C’est le cas des inhibiteurs de la DPP-4 par rapport aux hypoglycémiants classiques.
La prévention des complications du diabète de type 2 repose sur un contrôle précoce de tous les facteurs de risque, et pas uniquement de la glycémie. D’après les études dont on dispose, le maintien précoce d’un contrôle glycémique et d’un taux d’HbA1c aussi proches que possible de la normale n’induit pas d’effets indésirables ou de risque, en particulier d’augmentation de la mortalité. En revanche, une réaction trop tardive face aux dérives de la glycémie n’efface pas les effets délétères qui ont été produits. Une fois qu’elles sont installées, les complications peuvent éventuellement conduire à une surmortalité dans une situation d’intensification thérapeutique trop ambitieuse (étude ACCORD). L’étude ADDITION va également dans ce sens. Même dans le groupe standard, les patients sont bien traités pour l’ensemble de leurs facteurs de risque. Il est primordial de s’efforcer d’atteindre dès le début de la maladie, les objectifs thérapeutiques fixés par les recommandations en matière de contrôle glycémique, de LDL-cholestérol et de pression artérielle.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Frédéric Blicklé (CHU Strasbourg)
(*) Balkau B, Halimi S, Blickle JF, Chartier I, Tocque E, Amelineau E, Betournay B : uncontrolled type 2 diabetes treated with oral hypoglycaemic agents (OHA) : therapeutic behaviour in primary care in France.
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