Nipah, Hendra, Lassa, Ebola et Marburg

Combat contre les virus émergents

Publié le 07/06/2006
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Nipah et Hendra

Les virus Nipah et Hendra, qui appartiennent à la famille des paramyxovirus, sont très proches immunologiquement, explique le Dr Fabian Wild (chef de l’unité Pasteur de biologie des infections à virus émergents).

Leur histoire a commencé en Australie en 1994, quand le virus est passé des chauves-souris frugivores (réservoir naturel de ces virus) à des chevaux qui ont contracté la maladie, avec 50 % de mortalité. C’est à cette occasion que le virus a été transmis à l’homme : deux entraîneurs de chevaux ont attrapé le virus et l’un d’entre eux est décédé. Le nouveau virus identifié a été nommé Hendra, du nom de la ville où il a été identifié (près de Brisbane).

C’est la déforestation qui a été à l’origine de l’apparition de cette nouvelle infection, car cela a poussé ces chauves-souris frugivores qui vivent dans les arbres vers les fermes et les villes.

En 1998, on a observé une épidémie d’un autre virus très proche dans le village de Nipah en Malaisie. Cette fois, la transmission s’est faite des chauves-souris à des porcs, qui ont joué comme amplificateurs du virus, avant de le transmettre à l’homme. Il y a eu environ 250 personnes infectées avec une mortalité de 40 %. Un million de porcs ont été abattus en Malaisie. Le virus a été déclaré très dangereux, à ne manipuler qu’en laboratoire P4, et des réactifs de diagnostic ont été développés. Maintenant, on sait que les chauves-souris frugivores sont infectées massivement de l’Asie du Sud-Est jusqu’en Inde.

Le virus Nipah est le plus virulent des deux. Chaque année, il provoque des épidémies au Bangladesh ; les enfants s’infectent en mangeant des fruits contaminés par les chauves-souris. Il existe probablement une transmission interhumaine dans les familles. Ces virus donnent des encéphalites. Il existe probablement beaucoup d’encéphalites d’origine inconnue dues à Nipah dans les pays en développement.

Pour combattre ces virus, il n’existe pas d’antivirus actifs. On travaille sur des vaccins. Mais le plus prometteur est le programme d’immunothérapie, sur lequel on travaille notamment à l’Institut Pasteur et auquel le Dr Fabian Wild participe. On sait qu’il est possible de bloquer l’infection. Il reste à essayer les produits chez le singe, puis ensuite chez l’homme.

Lassa, Ebola et Marburg

Le Dr Sylvain Baize, qui travaille dans la même unité Pasteur à Lyon sur les réponses immunitaires des virus Lassa Marburg et Ebola, explique qu’ils donnent un tableau clinique voisin, dû à une physiopathologie similaire. Ils appartiennent à la famille des Filoviridae et des Arenaviridae pour ce qui concerne le virus Lassa.

La première description a eu lieu en 1967 pour le virus Marburg, sur des singes d’expérimentation importés en Allemagne. Ebola a été identifié pour la première fois en 1976 au Zaïre et au Soudan.

Ces virus sont à l’origine de fièvres hémorragiques. L’infection commence par un syndrome grippal peu spécifique (fièvre, céphalées, arthralgies, myalgies, douleurs abdominales…). Les signes cliniques deviennent ensuite plus spécifiques. Ebola occasionne des saignements, avec vomissements ( «vomito negro»), des diarrhées sanglantes.

On connaît la virulence importante d’Ebola, dont le sous-type zaïrois est assorti d’une mortalité de 80 à 90 %. L’infection se contracte par voie cutanéo-muqueuse, ou parentérale si elle est nosocomiale. Le mode de transmission reste peu clair, mais on sait qu’il faut un contact physique avec des fluides biologiques (soins aux malades, activités funéraires...).

Les cas index du virus Ebola ont été localisés en Afrique Centrale, souvent à la suite de manipulation de viande de singes contaminés. Dans cette région, le virus est endémique chez les grands singes, les chimpanzés et les gorilles. La contamination interhumaine est plus facile qu’avec le virus Lassa.

L’infection par Ebola s’accompagnant de nombreux signes hémorragiques, la fréquence des contacts sanguins infectants est plus grande. Les patients décèdent dans un tableau d’hypovolémie avec hypotension et troubles de la coagulation.

Marburg est très proche d’Ebola, mais moins fréquemment mortel.

Lassa est plus souvent asymptomatique et sa mortalité est encore moins importante. Il sévit dans des régions où l’épidémiologie est difficile : le Sierra Leone, le Liberia, la Guinée et le Nigeria. En revanche, il donne plus fréquemment des séquelles (probablement par réactions auto-immunes), comme des péricardites ou des surdités, complètes ou partielles, qui peuvent être définitives.

Les rashs peuvent survenir en relation avec Lassa comme avec Ebola.

Le diagnostic différentiel avec les infections paludéennes et avec les bactéries à dysenterie est difficile, comme les filovirus sont endémiques dans les mêmes régions. Ce qui cause des retards au diagnostic et favorise la diffusion des épidémies.

Les trois virus ont les mêmes cibles : cellules dendritiques et macrophages qui président à la dissémination dans les organes lymphoïdes.

Les moyens de lutte, là aussi, sont très limités. Il existe de nombreux candidats vaccins évalués chez les primates, avec des résultats prometteurs (comme le groupe de Nabel à Bethesda), mais aucun n’est encore étudié chez l’homme. La ribavirine est efficace contre Lassa, à condition que l’on débute le traitement très tôt après la contamination, ce qui est illusoire dans les régions où il sévit.

Dr BÉ. V.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7974